Renouvellement d’une marque revendiquée : la Cour de cassation aménage le délai
Les faits concernent la marque française « Bébé Lilly », qui avait été déposée par un tiers en fraude des droits de son créateur. Ce dernier avait donc engagé une action en revendication de ladite marque. Ce ne sont finalement pas moins de treize ans de procédure qui seront nécessaires, la Cour de cassation reconnaissant finalement la fraude et ordonnant le transfert de la marque à son profit (Cass. com., 11 janv. 2017, n° 15-15.750 ; Cass. com., 4 nov. 2020, n° 18-18.455).
L’inscription au registre national des marques de ce transfert de propriété est toutefois intervenue le 9 mai 2022 (publication le 10 juin). Entre-temps, la période de protection (10 ans à compter de la publication de la marque) était arrivée à son terme. La demande de renouvellement, déposée le 27 juin 2022, a été jugée tardive par le directeur général de l’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle) qui l’a donc déclarée irrecevable, décision confirmée par la Cour d’appel de Paris (24 nov. 2023, n° 22/18614). Expirée et non renouvelée, la marque durement acquise s’en retrouvait donc inutile.
En application des anciens articles L. 712-6, L. 712-9 et R. 712-24 du code de la propriété intellectuelle, seul le titulaire inscrit peut renouveler la marque, au plus tard dans le délai de grâce de six mois suivant son expiration. Toute déclaration postérieure est définitivement irrecevable.
La Cour de cassation constate dans son arrêt le paradoxe que provoque l’application mécanique de ces règles, dans un contexte où la marque a été déposée frauduleusement et où l’action en revendication particulièrement longue a conduit à priver le titulaire légitime de son droit de propriété. La procédure ayant abouti après l’expiration du délai de renouvellement, ce titulaire n’avait, par conséquent, aucune possibilité juridique d’exercer son droit.
Considérant comme disproportionnée une telle atteinte, la Cour casse l’arrêt d’appel, et statue au fond.
Elle juge que le point de départ du délai de grâce de six mois doit être fixé à la date d’inscription au registre du transfert de propriété résultant de l’action en revendication. Ce n’est qu’à compter de cette date que le véritable titulaire peut, en pratique comme en droit, agir pour renouveler la marque.
En conséquence, la déclaration déposée le 27 juin 2022 devait donc être considérée comme recevable, et la marque acquise de haute lutte pourra donc conserver sa validité et son antériorité.
La décision, pragmatique, opère donc un équilibre entre la sécurité juridique des tiers, protégée par les délais stricts du CPI, et la protection du droit de propriété lorsque la durée d’une procédure prive le titulaire légitime de toute possibilité d’action.
Elle consacre, en matière de revendication, une adaptation du calendrier du renouvellement lorsque la durée du contentieux rend impossible le respect des délais légaux par le titulaire final de la marque.
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