Dispositif TRACFIN et indemnisation de la victime
Aux termes d’un arrêt du 21 septembre 2022 (n°21-12.335), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé l’étendue du devoir de vigilance et de la déclaration imposées aux organismes financiers.
La violation du devoir de vigilance de l'établissement bancaire est une question particulièrement déterminante et implique bien souvent des actions en responsabilité contractuelle de droit commun.
Néanmoins, une interrogation particulière existe relativement au dispositif TRACFIN. Dans le cas d’une violation de ce dispositif, la victime d’un agissement frauduleux peut-elle obtenir une indemnisation eu égard à cette seule violation ?
Le 21 septembre 2022, la Cour de cassation a apporté une réponse négative à cette question, en considérant que seul l'État est créancier de l'obligation concernée.
En l’espèce, un particulier avait investi des sommes importantes transférées par virements depuis son compte-joint avec son épouse, auprès de plusieurs sociétés financières. Par la suite, les époux exposent ne pas avoir pu obtenir restitution de leurs avoirs à cause de faits d’escroquerie dont ils auraient été victimes. Ils assignent alors leur banque arguant d’un manquement de cette dernière à ses obligations d'information et de vigilance aux fins d’indemnisation. Cette demande fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun a été rejetée par les juges du fond. Il en a été de même en appel, la Cour ayant considéré que la sanction de la méconnaissance de l'obligation d’examen des opérations issu du dispositif TRACFIN doit être sanctionnée seulement par des sanctions disciplinaires et administratives. Une demande de dommages-intérêts ne peut aboutir dans ces conditions. Le pourvoi des demandeurs sera également rejeté.
En premier lieu, la Cour de cassation rappelle classiquement que l’existence d’une anomalie apparente affectant un virement constitue un critère déterminant pour caractériser un manquement contractuel résultant d’un défaut d’obligation de vigilance.
En l’espèce, aucune anomalie apparente n’affectait les virements opérés. A noter que la banque s’était en parallèle livrée à une recherche supplémentaire qui excédait le cadre légal de sa vigilance en ce qu’elle a procédé à des recherches sur l'identité des organismes ciblés par l'investisseur. La Haute Juridiction a relevé que l’investisseur, bien qu’averti de certaines anomalies découvertes par la banque aux termes de recherches auxquelles elle n'était pas tenue, avait néanmoins poursuivi ses opérations en signant une décharge de responsabilité au bénéfice de la banque. Ainsi, aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre de cette dernière et sa responsabilité contractuelle a été écartée.
En second lieu, la Cour de cassation s’est penchée sur la nature de la sanction qui doit être encourue lorsque le dispositif TRACFIN fait l’objet d’une violation.
En considérant que « la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier », la Cour indique que l’Etat demeure le seul créancier. Dès lors, la victime d’un agissement frauduleux rendu possible par un manquement au devoir de vigilance de la banque, ne dispose d’aucune action civile contre cette dernière à ce titre.
En conclusion, l'arrêt du 21 septembre 2022 rappelle au préalable l’étendue du devoir de vigilance dans le cas d’une action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun. Surtout, il met en lumière le fait qu’une action en indemnisation ne peut être fondée uniquement sur une violation du dispositif TRACFIN car la victime d’un agissement frauduleux ne représente pas le créancier de l’obligation concernée.
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