Réforme du Droit des Entreprises en Difficulté – Ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021

L’Ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification des procédures du livre VI du code de commerce réforme le droit des entreprises en difficulté. Cette Ordonnance transpose en droit français la directive « restructuration et insolvabilité » et pérennise des règles prévues par les ordonnances prises pendant la crise sanitaire. Cette réforme s’articule avec celle du droit des sûretés qui est également intervenue par une ordonnance n° 2021-1192 du même jour.
Les modifications apportées interviennent aux différents stades de la procédure collective.

En matière de prévention des difficultés, lorsqu’il apparait qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation. Antérieurement à la réforme, le président du tribunal de commerce ne pouvait diligenter une enquête du débiteur que s’il l’estimait utile aux termes de cet entretien. Avec la réforme, les pouvoirs du juge sont étendus puisque c’est à présent dès la convocation du dirigeant que le président du tribunal de commerce peut recueillir tout renseignement de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.

Toujours en matière de prévention des difficultés, les pouvoirs du commissaire aux comptes sont également étendus puisque dans le cadre de la mise en œuvre du droit d’alerte dont il dispose, il peut à présent alerter immédiatement le président du tribunal de commerce des difficultés d’un débiteur « lorsqu’il lui apparaît que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou fait savoir qu’il envisage des mesures que le commissaire aux comptes estime insuffisantes ». Antérieurement, le commissaire aux comptes devait au préalable interroger le dirigeant et ne pouvait alerter le président du tribunal de commerce qu’en cas de défaut de réponse ou de réponse insatisfaisante à l’exercice de son droit d’alerte.

Par ailleurs, en période de conciliation, le nouvel article L. 611-7 du Code de commerce, permet au débiteur en conciliation de solliciter du président du tribunal de commerce l’application du l’article 1343-5 du code civil relatif au délai de grâce à l’égard d’un créancier qui n’accepte pas « dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l’exigibilité de la créance » pendant la durée de la procédure. Cette nouvelle mesure a pour objectif de faciliter le redressement de l’entreprise.

A noter également, l’insertion d’un article L. 611-10-4 brisant une jurisprudence controversée de la chambre commerciale qui rendait caduques les sûretés octroyées dans le cadre d’un accord de conciliation par l’effet de l’ouverture d’une procédure collective (Com. 25 sept. 2019, n° 18-15.655). Désormais, « la caducité ou la résolution de l’accord amiable ne prive pas d’effets les clauses dont l’objet est d’en organiser les conséquences ». Les sûretés consenties lors d’une conciliation resteraient ainsi en vigueur. Il conviendra toutefois d’être vigilant sur la rédaction des clauses relatives aux sûretés pour s’assurer de leur autonomie par rapport au reste de l’accord.

En matière de sauvegarde, le législateur a recherché à réduire l’impact négatif sur les partenaires de l’entreprise de la période de sauvegarde en limitant la durée de la période d’observation à 12 mois. Les autres procédures judiciaires peuvent toujours faire l’objet d’une période d’observation allant jusqu’à 18 mois.

Toujours dans cette même logique de réduire la durée des procédures dites préventives, la procédure de sauvegarde accélérée, initialement réservée aux entreprises les plus importantes, est étendue à toutes les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable. Cette procédure peut à présent être étendue sur une période de 4 mois (contre 3 mois avant la réforme).

Par ailleurs, en période d’observation et toujours dans l’objectif de réduire la durée de la procédure collective, l’article L. 626-10 du code de commerce prévoit désormais que « lorsque les engagements pour le règlement du passif peuvent être établis sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, ils portent sur les créances déclarées admises ou non contestées, ainsi que sur les créances identifiables, notamment celles dont le délai de déclaration n’est pas expiré ». Cette faculté a pour objectif d’accélérer le déroulement de la période d’observation et l’examen d’un plan de sauvegarde ou de redressement par le tribunal (sur renvoi de l’article L. 631-19, I du code de commerce.) en se basant sur une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, et donc sans attendre le terme de la procédure de vérification des créances.

Afin de favoriser le financement de la période d’observation, il est à présent conféré un privilège à l’« apport de trésorerie » consenti pendant la période d’observation, et non plus seulement au prêt, ce qui élargit les sources de financement.

En outre, et afin de favoriser la bonne articulation du droit des procédures collectives avec les sûretés, il est désormais prévu que « le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise, à consentir une sûreté réelle conventionnelle en garantie d’une créance postérieure à l’ouverture de la procédure, à payer le transporteur exerçant une action au titre de l’article L. 132-8 du code de commerce ou à compromettre ou transiger ».

Autre mesure, le créancier titulaire d’une sûreté réelle conventionnelle, constituée en garantie de la dette d’un tiers, est à présent soumis à l’arrêt des poursuites et des procédures d’exécution, et à l’obligation de déclarer sa créance. Désormais, les créances « et les sûretés » non déclarées régulièrement dans les délais sont inopposables au débiteur, pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Jusqu’à présent, l’inopposabilité était limitée à l’exécution du plan pour les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

Les règles se rapportant à l’adoption et la modification d’un plan de sauvegarde ou de redressement sont également modifiées. Ainsi, l’article L. 626-26 du code de commerce consacre le principe selon lequel « le silence vaut acceptation » pour la consultation des créanciers en cas de modification substantielle du plan (hors remises de dettes ou conversions de titres en capital). Déjà applicable au moment de l’élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement, ce principe l’est donc désormais au moment de sa modification substantielle. Cette mesure vise ainsi à faciliter les adaptations du plan.

En outre, il est imposé une annuité minimum de 10 % à compter de la sixième année. Cette disposition renforce les droits de créanciers dans le cadre des procédures collectives et vise à écarter toute proposition de plan de sauvegarde ou de redressement qui prévoirait, par exemple, seulement un paiement d’annuité égal à minimum 5 % du passif jusqu’à la neuvième annuité.

Par ailleurs, l’adoption du plan pourra être soumise au vote de « classes de parties affectées » qui remplaceront les actuels « comités de créanciers ». La constitution de classes de parties affectées s’impose pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée ou lorsque l’entreprise ou les groupes de sociétés (au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de commerce) atteignent des seuils qui seront fixés ultérieurement par décret.

Les membres de ces classes sont largement entendus puisque sont visés les créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan et les associés et actionnaires, si leur participation au capital du débiteur, les statuts ou leurs droits sont modifiés par le projet de plan. Ces classes de parties affectées seront amenées à voter les propositions de plan. Le tribunal conservera toutefois le cas échéant un large pouvoir d’appréciation puisqu’il peut arrêter le plan nonobstant son rejet par les classes de créanciers affectés (C. com., art. L. 626-32, nouv.) en se fondant sur le « meilleur intérêt des créanciers ».

En marge de ce qui précède, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée qui permet de bénéficier de règles de vérification des créances et de cession des biens allégées est étendue puisqu’elle désormais ouverte aux entrepreneurs individuels, avec pour seule condition celle de l’absence de bien immobilier.

Par ailleurs, la procédure de rétablissement qui est conçue pour qu’un débiteur professionnel qui dispose d’un actif très modeste (actif dont la valeur n’excède pas 5.000 €) puisse rapidement, sous réserve de quelques conditions, bénéficier d’un effacement du passé et « rebondir » est étendue puisque la valeur de la résidence principale du débiteur est expressément écartée pour déterminer l’actif du débiteur.

L’Ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 entrera en vigueur le 1er octobre 2021, sans que ses dispositions ne soient applicables aux procédures en cours.

Ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021portant modification du livre VI du code de commerce