Contrats informatiques et obligation de résultat
Dans un arrêt du 1er juin 2022 (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 juin 2022, 20-19.476), la Cour de Cassation a été amenée à rappeler les conséquences attachées au non-respect d’une obligation de résultat en matière informatique.
Pour rappel, la différence entre obligation de moyens et de résultat est essentiellement une question de charge de la preuve.
Ainsi, en présence d'une obligation de moyens, le débiteur de l'obligation n'est responsable de l'exécution défaillante que si celle-ci est due à sa faute (absence de présomption de faute) qui doit être démontrée. Lorsque l’obligation est de résultat, le débiteur est responsable dès la non-atteinte du résultat prévu (présomption de faute) et il lui appartient de démontrer la faute de l’autre partie.
En l’espèce, un client avait résolu un contrat de déploiement de solution informatique en raison de temps de réponse trop longs et d’une mauvaise qualité des livrables, résolution contestée par l’éditeur l’estimant abusive.
1) Sur le bien-fondé de la résolution
La Cour de Cassation confirme le raisonnement de la cour d’appel de Paris (Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 11ème Chambre, 26 juin 2020, n° 17/20843).
Sur la nature de l’obligation (résultat / moyen), la Cour de Cassation a rejeté l’argumentation du prestataire (ie « une obligation ne peut être que de moyens, quand elle est entachée d'un aléa, peu important les mentions du contrat constatant l'obligation ») en relevant que (i) le contrat visait expressément l’obligation de résultat et (ii) le fait que l’éditeur , concédait une licence, réalisait des prestations de correction, d’adaptation, d’intégration et assurait la maitrise d’œuvre, caractérisant une obligation de résultat.
Également, la Cour de Cassation a considéré que :
- le défaut de recette résultant du nombre d’anomalies bloquantes non résolues caractérisait le manquement à une obligation de résultat ;
- le non-respect de la procédure de recette par le client est sans effet compte tenu du fait que l’éditeur est « un professionnel de l’informatique et qu’il ne justifie pas avoir élaboré des spécifications fonctionnelles détaillées en réponse aux besoins exprimés par son client, ce malgré les demandes de celui-ci, et qui sont celles faisant référence lors de la recette par le client » ;
- l’éditeur ne démontre pas que le client « ait multiplié les demandes non prévues au contrat, qu'il ait été flou dans ses demandes et qu'il ait manqué à son devoir de coopération, ces allégations ne ressortant pas des échanges de correspondances au cours de l'exécution du contrat ».
Ainsi, la Cour de Cassation prend en compte la nécessaire collaboration du client dans un contrat informatique, mais constate que dans cette affaire aucun manquement suffisant du client n’était démontré.
2) Sur les préjudices subis
La Cour de Cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.
Ainsi, la Cour de Cassation ne suit pas le raisonnement de la Cour d’appel de Paris, laquelle après avoir relevé que « l'exploitation de la solution devait permettre de générer progressivement des gains devant atteindre leur niveau maximum dès le déploiement complet de la solution prévu en 2014 », avait considéré que « le manque à gagner dont l’éditeur porte la responsabilité peut être évalué à une année de retour sur investissement, soit la somme de 1 200 000€ ».
A l’inverse, la Cour de Cassation rappelle que la sanction de la résolution du contrat ne peut se cumuler avec son exécution et ainsi casse les dispositions de l’arrêt condamnant l’éditeur à payer le manque à gagner du client alors qu’il avait déjà été condamné au remboursement des factures payées par le client.
L’arrêt de la Cour de Cassation souligne donc (i) l’importance pour l’éditeur de faire état par écrit tout au long du projet informatique des manquements du client, et ce afin de pouvoir contester le bien fondé d’une éventuelle résolution pour faute initiée par le client, et (ii) l’impossibilité de cumuler la perte de chance avec le remboursement des factures payées.