Résolution unilatérale du contrat : la mise en demeure n’est pas toujours obligatoire
Dans cette affaire du 18 octobre 2023, la Cour de Cassation admet qu’une mise en demeure préalable à la résolution d’un contrat n’est pas toujours indispensable.
Les faits concernent la société Calminia, spécialisée dans la taille du calcaire et du marbre, et son prestataire la Société de distribution et installation de matériel de levage et élévation (Sodileve), chargée de l’entretien de ses machines.
Calminia indique en 2016 être insatisfaite des réparations réalisées par sa prestataire. Les relations entre les deux sociétés se dégradent fortement, au point qu’en mars 2017, Sodileve écrit à Calminia afin de lui signifier qu’en raison du comportement de son dirigeant, elle n’entend plus poursuivre sa prestation. Sodileve assigne ensuite sa cliente en paiement de plusieurs factures.
Rappelons que, selon l’article 1224 du code civil, la résolution du contrat peut résulter soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, de la notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1226 précise que le créancier peut en outre, à ses risques et périls, prononcer la résolution par simple notification ; cette résolution doit sauf urgence être précédée de la mise en demeure du débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
Dans le cas d’espèce, la société Calminia fait grief à l’arrêt rendu contre elle, par la Cour d’Appel de Poitiers, de ne pas avoir tenu compte de cette formalité, la résolution signifiée unilatéralement par Sodileve n’ayant été précédée d’aucune mise en demeure.
Dans son arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation adopte une approche pragmatique, et rejette le pourvoi. Il ressort en effet de son analyse que le comportement du dirigeant de Calminia rendait en effet intenable la poursuite des relations. Les attestations versées aux débats révèlent un climat tendu et conflictuel, des insultes proférées à l’égard d’un collaborateur du prestataire et la remise en cause de ses capacités, et des ordres directs donnés à d’autres collaborateurs sans que leur hiérarchie soit informée. Ce comportement avait « rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ».
Pour la chambre commerciale, « Une telle mise en demeure n'a pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine. » ; en l’espèce, il n’y avait pas de doute que la mise en demeure n’aurait pas permis de reprendre sereinement l’exécution du contrat. La résolution était inévitable. Dès lors, la Cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si une mise en demeure préalable avait été réalisée.
C’est une véritable nouvelle exception aux dispositions de l’article 1226 que consacrent visiblement ici les juges du Quai de l’Horloge. Préserver des échanges cordiaux et de bonne foi devrait ainsi devenir plus que jamais une priorité : à défaut, une entreprise risquerait la résolution unilatérale du contrat, sans même disposer d’une opportunité de remédier à ses manquements.
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