La présomption d’originalité et la TMA
L'originalité des développements d'une TMA lors de la maintenance d'un logiciel n'est pas présumée pour bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur. Cette règle a été rappelée par une ordonnance du 20 juillet 2023 délivrée par le Président du Tribunal judiciaire de Paris.
Cette affaire opposait une entreprise spécialisée dans les systèmes informatiques à un prestataire de de TMA qui réalisait des développements. Elles s'opposaient sur la propriété non seulement des améliorations apportées à un logiciel dénommé Zéphyr, mais la propriété du logiciel, conçu pour gérer de grandes carrières et industries.
Le raisonnement du Président s'est articulé en deux étapes :
- une présomption de non originalité[1] : d'abord, le président a affirmé que les travaux effectués dans le cadre de la maintenance d'un logiciel sont, en règle générale, non originaux. Ils n'ont donc pas droit d'emblée à la protection du droit d’auteur ;
- la preuve de l’originalité : ensuite, il a précisé que si un mainteneur souhaitait revendiquer un droit d’auteur sur un logiciel maintenu du fait de ces contributions, il doit démontrer que ses contributions ont pu, constituer une œuvre de l’esprit et imprimer au logiciel tout entier préexistant l’empreinte de la personnalité de ses développeurs exprimée par des choix libres et créatifs.
L'originalité dans les développements de TMA
En matière de droit d’auteur, les juges du fond sont tenus de rechercher si les œuvres répondent à l’exigence d’originalité. L’originalité s’entend du reflet de la personnalité du créateur[2]. Ainsi, le droit d’auteur ne s’applique pas à une banale prestation de services techniques[3] ou à un travail de simple opérateur[4].
Dans l'ordonnance commentée, le juge a clairement adopté cette perspective. Seules les œuvres vraiment originales peuvent être protégées. Ainsi, une contribution fortement contrainte par des aspects techniques n'a pas droit à cette protection.
En l’espèce il s’agissait de maintenance applicative. Cette tâche est principalement dictée par l'objet même à entretenir : le logiciel existant. Le Président du Tribunal judiciaire de Paris n'a pas manqué de le souligner, rappelant que la maintenance vise à adapter un logiciel dans un cadre contraint par ses caractéristiques actuelles.
De plus, le Président a introduit un second critère concernant les opérations de maintenance : elles sont guidées par les demandes du client. Lorsqu'un client souhaite faire évoluer son logiciel, cette évolution est basée sur ses besoins spécifiques. Les améliorations apportées par le prestataire, en tant qu'outils pour aider le client à ajuster son logiciel à ses besoins eux mêmes toujours évolutif, ne sont pas de ce fait, nécessairement, considérées comme originaux.
Cependant, une nuance importante est apportée par le Président : cela ne signifie pas que les contributions à la maintenance sont systématiquement dénuées d'originalité.
La preuve de la propriété
La personne qui entend bénéficier de la protection doit déterminer exactement les contours et les caractéristiques de la forme dont la protection est revendiquée[5].
Suivant cette logique, le Président du Tribunal judiciaire de Paris ne rejette pas d'emblée l'idée que les contributions du mainteneur puissent être protégées. Cependant, il exige de ce dernier qu'il démontre l’originalité de ses contributions.
Le mainteneur en l’espèce n’a pas su mettre en avant les contributions qui pouvaient être originales de celle qui ne l’étaient pas. La question se pose d’ailleurs de savoir s’il avait ou non documenté ces contributions.
Mais le Président va en réalité plus loin dans cette décision, puisqu’il lui demande de prouver que ses contributions ont non seulement marqué le logiciel de leur empreinte, mais ont aussi suffisamment transformé le logiciel existant pour lui conférer une nouvelle originalité distincte de la précédente.
La juridiction indique ensuite que les contributions doivent « imprimer au logiciel Zephyr préexistant l’empreinte de la personnalité de ses développeurs exprimée par des choix libres et créatifs ».
Autrement dit, un mainteneur qui souhaite revendiquer des droits sur un logiciel en raison de ses interventions doit prouver que ses contributions ont profondément modifié la nature originelle du logiciel.
À défaut, n'importe quel mainteneur pourrait prétendre avoir des droits sur un logiciel simplement parce qu'il y a effectué des mises à jour ou des corrections.
Et il y a plus : si tout tiers mainteneur pouvait revendiquer les droits sur l’œuvre qu’il maintient la question qu’il conviendrait de se poser serait de savoir si l’œuvre seconde, le logiciel transformé, est une œuvre de collaboration ou une œuvre collective. Cependant, dans les deux cas, obtenir des droits sur le logiciel entier serait complexe sans l'accord du détenteur initial des droits.
Dans le cas présent, bien que le demandeur ait soutenu que le logiciel était le fruit d'une collaboration, cette affirmation pose problème. Une œuvre collaborative implique un partage des droits. Or, l'absence d'accord avec le créateur initial, manifeste du fait du litige en cours, complique cette approche.
En conclusion, la décision du 20 juillet clarifie que la tierce maintenance applicative ne confère pas automatiquement au prestataire des droits sur le logiciel original.
Pour une meilleure lisibilité, voici les recommandations que nous pouvons formuler.
Nous conseillons de :
- clarifier explicitement les droits dans les contrats pour prévenir les litiges. Dans ce cadre, côté détenteur des droits sur logiciel existant, il convient d’intégrer une clause stipulant que les contributions du mainteneur ne garantissent la titularité des droits sur l’œuvre maintenue ; côté mainteneur ne pas hésiter à préciser que certaines contributions pourraient le cas échéant permettre d’obtenir des droits généraux sur l’œuvre moyennant une licence d’exploitation sur l’œuvre préexistante le cas échéant ;
- documenter soigneusement toutes les contributions originales pendant le projet ou la maintenance ;
- si le mainteneur considère que ses contributions sont originales, il doit absolument en discuter avec son client.
Le Pôle Contrats informatiques, Données et Conformité accompagne les créateurs d’œuvres et les mainteneurs dans tous les actes nécessaires à leur activités (contrats de maintenance, de cession de droit d’auteurs par exemple), mais également en cas de contentieux. Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.
[1] Contrairement au droit d’une œuvre audiovisuelle pour laquelle l’article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle désigne cinq typologies de personnes présumées auteurs d’une œuvre audiovisuelle.
[2] Cass. Ass. Plén., 7 mars 1986, n° 83-10477.
[3] Civ. 1re, 29 mars 1989. V. §18.
[4] Civ. 1re, 1er mars 1988: