Location matériels informatiques et engagement perpétuel déguisé

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 22 mai 2022 publié au bulletin, a été amenée à se prononcer sur les contrats de location de matériel informatique au regard notamment de l’interdiction des engagements perpétuels.

Dans cette affaire, était en cause un contrat de location de matériel informatique, d’une durée initiale de 36 mois, entre la société Econocom et la société Bois et matériaux. Intégré à un ensemble contractuel, ce contrat ensuite qualifié d’« évolutif » par les parties avait été modifié pour y insérer une « option d’échange » (annexe TRO), permettant au locataire d’échanger tous les 6 mois le matériel ancien contre un matériel plus récent en contrepartie d’un renouvellement du contrat pour une durée de 42 mois.

Cette annexe TRO a été remplacée par 8 annexes TRO successives, à chaque modification du parc d'équipements informatiques, dont la dernière est en date du 1er août 2013 ce pour une nouvelle durée de 42 mois expirant le 31 janvier 2017.

La société Econocom a signifié, le 27 décembre 2013, à la société Bois et matériaux la résiliation de l'option d'échange, la société Bois et matériaux ne pouvant alors plus exercer l'option d'échange prévue au contrat, l'annexe TRO se poursuivant jusqu'à son terme (31 janvier 2017).

La société Bois et matériaux a contesté cette résiliation en raison du caractère perpétuel de l'annexe TRO.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 mai 2019 (RG n° 17/08357), a considéré que l'annexe TRO n'est entachée d'aucun vice au titre d’une durée perpétuelle aux motifs que (i) l'annexe prend fin à l'issue de la durée d'utilisation de 42 mois si le locataire ne fait pas usage des options d'échange, au cours de la totalité de la durée d'utilisation, et (ii) chaque partie peut résilier unilatéralement l'option d'échange en respectant une durée de préavis de 9 mois au moins avant l'arrivée du terme de la durée initiale de location.

Également, la Cour d’appel de Paris rejette l’argument de la société Bois et matériaux selon lequel « la dénonciation de l'option d'échange la prive de la possibilité de renouveler son équipement informatique et la contraint à poursuivre la location d'un matériel totalement obsolète d'une valeur quasi-nulle pour un loyer exorbitant ce jusqu'au terme de l'annexe TRO ».

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris considérant que « sans rechercher si, s'agissant d'un contrat évolutif de location de matériels informatiques, dont chaque modification relative aux matériels loués avait pour effet de reconduire la durée du contrat pour une période de 42 mois, l'impossibilité de faire usage des options d'échange pendant la totalité de cette même durée, prévue par l'article 5 de l'annexe TRO du 1er août 2013, ou bien pendant la durée de préavis de 9 mois prévue par l'article 10.1 b) des conditions TRO du 1er février 2007, n'était pas de nature à priver la société Bois & matériaux de la possibilité d'adapter son matériel aux besoins de son exploitation et donc d'une caractéristique substantielle du contrat, sauf à accepter la reconduction systématique du contrat, la soumettant ainsi à une obligation infinie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».

La Cour de Cassation ne fait donc pas une lecture littérale des dispositions contractuelles et reproche à la Cour d’appel de Paris ne pas avoir recherché si le montage contractuel avait pour effet de contraindre le locataire soit à conserver un matériel ancien et donc inadapté à ses besoins en n’exerçant pas l’option, soit à accepter une reconduction systématique pour 42 mois, constitutive d’un engagement perpétuel.

L’équipe du pôle Contrats informatiques, données & conformité se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.