IA et droit d’auteur : une proposition de loi à l’étude

« Il existe un défi économique, culturel et juridique majeur lié au développement effréné de l’intelligence artificielle (IA) qu’il convient de régler urgemment. »

C’est en ces mots que débute la proposition de loi déposée le 12 septembre 2023 par 8 députés à l’Assemblée nationale. Composée de 4 articles, elle vise à accorder les spécificités de la création via les IA génératives, comme ChatGPT ou Midjourney, avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle.

Des questions évidentes sont en effet posées par ces outils : peut-on qualifier d’auteur celui qui donne ses instructions à l’algorithme ? Faut-il voir des contrefaçons dans les travaux crées à partir des banques composées de millions d’œuvres préalables ? Une œuvre volontairement réalisée dans le style d’un auteur particulier viole-elle les droits de ce dernier ?

Si la proposition de loi, composée de 4 articles, entend répondre à certaines de ces problématiques, on s’apercevra toutefois rapidement des difficultés que poserait sa mise en pratique.

Le premier article modifie l’article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle (CPI) afin de soumettre aux dispositions de ce dernier l’intégration d’œuvres protégées dans les bases d’apprentissage des IA. En premier lieu, et comme explicitement rappelé par l’article, l’application du régime du droit d’auteur soumettrait donc cette exploitation d’œuvres antérieures « à autorisation des auteurs ou ayants droits ».

Par ailleurs, l’article 2 de la proposition de loi sera confronté à la même problématique en cela qu’il prévoit que « Lorsque l’œuvre est créée par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe, les seuls titulaires des droits sont les auteurs ou ayants droit des œuvres qui ont permis de concevoir ladite œuvre artificielle ».

La rémunération de ces droits est prévue par le même article, selon le classique régime de la gestion collective. Il ne précise toutefois pas comment les sociétés de gestion pourraient identifier auteurs des œuvres à l’origine de celle crée par l’IA.

L’article 3 prévoit quant à lui l’ajout, au L.121-2 du code de la propriété intellectuelle, d’une mention obligatoire sur chaque œuvre générée par l’IA de cette méthode de création, ainsi que les noms des auteurs des œuvres ayant permis d’aboutir à cette œuvre.

Enfin, l’article 4 prévoit un nouvel alinéa au même article qui permettrait la taxation des œuvres crées par l’IA au profit de l’organisme de gestion collective désigné pour la gestion des droits.

En résumé, cette proposition de loi repose sur une meilleure traçabilité des œuvres à l’origine des travaux par l’IA et une meilleure protection des droits des auteurs de ces dernières dans ce nouveau contexte particulier – il n’est au final pas question de la protection de l’œuvre générée ou de son auteur.

Cette intention est louable, et permettrait le respect des droits moraux de l’auteur dont l’œuvre est exploitée par l’IA, tels qu’énoncés à l’article L121-1 du CPI : chaque auteur à droit « au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ».

Elle se heurte toutefois à un écueil logistique immense : la quantité de données nécessaires à l’entraînement et au fonctionnement des IA génératives. Dans une interview à Forbes, le fondateur de Midjourney révélait l’utilisation à cette fin d’une centaine de millions d’images. Et expliquait qu’obtenir le consentement de tous les artistes concernés relevait de la tâche sisyphéenne :

« Ce serait bien si les images contenaient des métadonnées sur le détenteur des droits d'auteur ou quelque chose du genre. Mais ce n'est pas le cas ; il n'y a pas de registre. Il n'y a aucun moyen de trouver une image sur l'internet, de remonter automatiquement jusqu'à son propriétaire et de faire quoi que ce soit pour l'authentifier ».

La traçabilité des œuvres apparaît donc comme une problématique majeure, en particulier pour les algorithmes complexes comme les réseaux neuronaux.

Reste d’autres zones d’ombres que la proposition de loi ne traite pas : par exemple, peut-on qualifier d’œuvre originale, empreinte de la personnalité de son auteur, le travail réalisé par une IA sur instruction de ce dernier et sur la base d’œuvres précédentes ?

Par ailleurs, comment un organisme de gestion collective devra-il répartir la rémunération des droits entre les ayants droits des œuvres ayant contribué à la création de l’IA ? Cette ambiguïté, combinée à l’opacité du fonctionnement des IA, pourrait mener à des contentieux complexes.

Ces questions seront à n’en pas douter examinées en commission et pourraient trouver certaines réponses au cours de l’évolution parlementaire du texte.

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