Devoir de vigilance et escroquerie

Dans deux arrêts rendus le 4 novembre 2021 (pourvois n° 19-23.368 & 370), la Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel le client, victime d’une escroquerie, ne saurait rechercher la responsabilité civile de sa banque sur le fondement du devoir de vigilance lorsque les opérations litigieuses ne présentaient pas d’anomalies apparentes.

Ces arrêts traitaient de l’escroquerie bien connue menée entre 1999 et 2005 par la société International Marketing Corporation (IMC), et dont le président avait été condamné en 2007 à huit ans de prison ferme. Cette société avait en effet escroqué des centaines de particuliers à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros en les persuadant d’effectuer divers placements à l’étranger et dont ils n’ont jamais eu le retour.

En l’espèce, deux victimes de cette société recherchaient la responsabilité de la Banque de Polynésie en considérant que celle-ci avait manqué à son devoir de vigilance en exécutant des virements, qu’ils avaient certes consentis, mais qui étaient à destination de l’étranger, et dont les ordres étaient renseignés par des tiers ne justifiant d'aucun mandat, alors que les virements représentaient des montant particulièrement importants.

Dans un attendu limpide adopté pour les deux arrêts, la Cour de cassation indique que « les virements litigieux étaient intervenus à destination d'un établissement bancaire et d'une ville non signalés comme suspects, dans le cadre d'un investissement classique sur un produit financier et qu'ils avaient été signés par [Y] et constituaient l'exacte expression de sa volonté, faisant ainsi ressortir l'absence d'anomalie apparente de ces opérations ».

La Cour de cassation donne ici aux justiciables plusieurs clefs alimentant le faisceau d’indices qui déterminera si l’établissement bancaire doit être tenu, dans un cas donné, à un devoir de vigilance. Ainsi, lorsque le client signe lui-même un ordre de virement à destination d’une ville et d‘un établissement bancaire non signalés comme suspects et qui constitue une opération d’investissement classique, l’expression de la volonté d’effectuer le virement est caractérisée. L’opération ne présente alors pas d’anomalie apparente justifiant un devoir de vigilance de la banque.

Les adjectifs employés par la Cour ne manqueront cependant pas d’alimenter le débat judiciaire. En effet, les termes « classique » concernant les virements et « suspect » à propos des villes et des établissements bancaires destinataires, revêtent une interprétation très large, et viendront, à n’en pas douter, nourrir ce contentieux particulier où les victimes, qui bien souvent ne peuvent identifier l’auteur de leur escroquerie, décident de se retourner contre leur établissement bancaire pour tenter d’obtenir réparation de leur préjudice.