Un dirigeant reconnu pénalement responsable d’un contrat qu’il n’a pas signé
Le dirigeant d’une société peut être pénalement responsable de la conclusion d’un contrat au nom de la société, même s’il n’a pas personnellement signé le contrat en cause.
Le principe de personnalité des peines (C. pén., art. 121-1) veut que nul ne soit responsable que de son propre fait.
La société qui a commis une infraction est donc en principe responsable des infractions commises pour son compte.
Toutefois, cette responsabilité pénale de la société n’exclut pas la responsabilité de son dirigeant auteur ou complice des faits. (C. pén., art. 121-1)
Dans un arrêt en date du 10 septembre 2025 (Cass. crim. 10/09/2025 n° 23-82.632), la Cour de Cassation a rappelé cette responsabilité du représentant légal.
Selon l’article L. 231-13 du Code de la construction et de l’habitation, le constructeur d’une maison individuelle doit établir un contrat écrit comportant notamment une garantie de paiement au profit des sous-traitants.
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 18 000 euros (CCH, art. L. 241-9).
Dans la présente affaire, une cour d’appel a condamné le dirigeant d’une société ayant conclu plusieurs contrats de construction dont les garanties de paiement étaient fictives ou inexistantes.
Les juges ont relevé qu’en raison de ses fonctions, de son expérience et de ses connaissances, le dirigeant ne pouvait ignorer les manquements commis.
Le dirigeant contestait sa condamnation en soutenant qu’il n’avait pas signé les contrats litigieux et que sa participation personnelle à l’infraction n’était pas caractérisée.
La Cour de cassation a rejeté cet argument : le dirigeant d’une société de construction a l’obligation de veiller au respect des dispositions légales applicables à l’activité de son entreprise.
S’il ne s’assure pas de leur application, sa responsabilité pénale peut être engagée, peu importe qu’il ait ou non signé les contrats.
Cette décision s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence sur le sujet.
En effet, la jurisprudence admet depuis longtemps que les dirigeants sociaux peuvent être tenus responsables d’infractions matériellement commises par leurs préposés. Ainsi, il est admis qu’un dirigeant peut être condamné pour des infractions fiscales commises par d’autres, dès lors qu’il devait en assurer la conformité (Cass. crim., 29 févr. 1996).
La faute retenue découle alors de sa négligence à faire respecter les obligations légales.
La décision commentée étend cette jurisprudence au délit lié à l’absence de garantie de paiement des sous-traitants dans les contrats de construction de maisons individuelles.
Le dirigeant est donc condamné non pour avoir signé le contrat, mais pour avoir manqué à son devoir de contrôle.
Un dirigeant peut toutefois s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il prouve avoir délégué ses pouvoirs à une personne compétente, autorisée et dotée des moyens nécessaires pour les exercer (Cass. crim., 11/09/2007, n°06-85.899).
Cette décision permet de rappeler l’importance de formaliser le cas échéant une délégation de pouvoirs lorsque le représentant légal n’est pas en mesure de s’assurer du respect des dispositions légales (ex éloignement).