Cession d’actions et fixation du prix par un tiers : la vente est parfaite dès la désignation de l’expert
La fixation du prix est une condition essentielle à la formation du contrat de vente. Lorsque ce prix est déterminé par un tiers, la date de formation varie selon le fondement de la désignation du tiers évaluateur.
Traditionnellement, si le tiers est désigné selon l’article 1592 du Code civil, la vente n’était formée qu’au moment où ce tiers rendait son rapport. Il peut refuser sa mission ou se retrouver dans l’impossibilité de l'accomplir, ce qui conditionne la validité de la cession Cass. 1e civ. 24/11/1965 no 63-12.675).
En revanche, si les parties renvoient à l’article 1843-4 du Code civil, le contrat est réputé formé dès la désignation de l’expert, celui-ci étant juridiquement tenu de fixer le prix (Cass. com. 30/11/2004 n° 03-13.756). Le prix est alors considéré comme déterminable, même s’il n’est pas encore fixé.
Le choix du régime de désignation a donc un impact sur la date de formation du contrat et sa possible exécution forcée.
Cependant, dans une décision du 28 mai 2025 (Cass. com. 28/05/2025 n° 24-13.902), la Cour de Cassation considère à présent que la vente est parfaite dès la désignation de l’évaluateur quel que soit le fondement de sa nomination. Dans cette affaire, les parties avaient convenu de la cession d’une société structurée en trois étapes : une cession immédiate de 47 % des actions, une promesse unilatérale sur 13 %, puis une promesse synallagmatique pour le solde conditionnée à la réalisation des deux premières. En cas de désaccord sur le prix de cession, le protocole prévoyait le recours à un expert désigné par le président de l’ordre régional des experts-comptables. Si ce dernier refuse ou est empêché, un expert peut être nommé par le président du tribunal de commerce, conformément à l’article 1592 du Code civil.
Le cédant conteste la réalisation de la condition suspensive nécessaire à la réalisation de la 3ème étape de la cession, estimant que la cession de 13 % des actions n’est pas effective car le prix n’a pas encore été fixé par l’expert.
Le raisonnement pouvait être soutenu au vu de la jurisprudence précitée puisque la vente n’était pas parfaite tant que l’estimation n’a pas été réalisée par l’évaluateur désigné sur le fondement de l’article 1592 du Code civil.
Toutefois, la Cour de Cassation ne suit pas les demandeurs au pourvoi et retient que lorsqu’une promesse de cession prévoit que le prix de cession doit, en cas de désaccord entre les parties, être déterminé par un tiers sur le fondement de l’article 1592 du Code civil, la cession est parfaite dès la levée de l’option, le prix étant déterminable.
L’arrêt commenté marque ainsi une évolution importante de la jurisprudence quant à l’impact du recours à un tiers désigné selon l’article 1592 du Code civil sur la date de formation de la vente, y compris lorsqu’il s’agit de cessions de droits sociaux.
Cass. com. 28/05/2025 n° 24-13.902 F-D
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