Management fees : un assouplissement de la jurisprudence Gamlor ?
Selon la jurisprudence Gamlor, le versement d’honoraires par une société dans le cadre d’une convention de management fees conclue avec une autre société, constituait un acte anormal de gestion s’il rémunérait les prestations de services portant sur les fonctions de dirigeants (CAA Nancy, 9 octobre 2003 n°98NC02182, SA Gamlor).
Une telle qualification emportait la remise en cause de la déductibilité des honoraires versés dans le cadre d’une convention de management fees au regard de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Par une décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’État a opéré un assouplissement de la jurisprudence Gamlor (CE 4 octobre 2023, n°466887, Sté Collectivision).
Dans cette affaire, la société Collectivision a nommé Monsieur A en qualité de gérant. Ce dernier a perçu une rémunération au titre de ses fonctions jusqu’en 2012.
A compter de janvier 2012, la société Collectivision a conclu un contrat de prestations de services avec la société Mixcel Invest. Monsieur A était le président et l’associé unique de cette société.
Enfin, à compter de janvier 2013, la société Collectivision a conclu un contrat de prestations de services avec la société Sonely. Or, monsieur A était co-gérant de cette société.
La déductibilité des honoraires perçus par la société Sonely au titre de l’exercice 2013 a été remis en cause par l’administration fiscale car ces fonctions feraient double emploi avec les fonctions du dirigeant, qui n’était pas ailleurs pas rémunéré pour ses fonctions.
Toutefois, par cette décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’État a jugé que le versement d’une rémunération indirecte du dirigeant ne constituait pas en soi une cause d’appauvrissement à des fins étrangères aux intérêts de la société.
Le Conseil d’État a également précisé les conditions de validité excluant la qualification d’acte anormal de gestion.
I. Une absence d’acte anormal de gestion en l’absence d’appauvrissement de la société bénéficiaire
L’acte anormal de gestion est caractérisé par un acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt (CE, plén. 21 décembre 2018 n°402006, Sté Croê Suisse).
Le Conseil d’État a dû donc répondre à la question suivante :
La rémunération indirecte d’un dirigeant dans le cadre d’une convention de management fees est-elle constitutive d’un appauvrissement à des fins étrangères aux intérêts de cette société ?
Par le passé, la qualification d’acte anormal de gestion avait déjà été retenue en présence de dirigeant commun à la société bénéficiaire et la société prestataire (notamment CAA Paris 22 mars 2023, n°21PA04911, Media 6).
Cette solution a été reprise par la juridiction administrative d’appel (CAA Marseille 23 juin 2022 n°19MA04862).
Toutefois, censurant l’arrêt rendu en appel, le Conseil d’État a précisé les conditions d’exclusion de la qualification d’acte anormal de gestion.
La conclusion d’une convention de management fees entre des sociétés ayant le même dirigeant ne relève pas d'une gestion anormale « si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu (…), par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie (…) ».
Par ailleurs, le Conseil d’État apporte les précisions suivantes :
L’absence de versement, par une société, d'une rémunération à son dirigeant au cours d'un exercice ne constitue pas une décision de gestion faisant définitivement obstacle à la rémunération de celui-ci. Ce dernier pourra être rémunéré sur décision des organes sociaux compétents, au cours d'un exercice postérieur, le cas échéant à titre rétroactif, ou, au cours du même exercice, par l'intermédiaire d'une autre société.
II. Des difficultés non résolues
La décision commentée a permis d’apporter un certain nombre de clarifications concernant l’impôt sur les sociétés.
Toutefois, l’ensemble des difficultés générées par la conclusion de convention de management fees n’a pas été résolu.
Certains arrêts de juridictions administratives d’appel ont déjà pu remettre en cause la déductibilité de la TVA grevant les honoraires perçus au titre de convention de management fees. Selon elles, la prestation exécutée au titre de la convention n’avait pas de contrepartie en l’absence de prestation distincte de l’activité de direction non rémunérée (notamment CAA Paris, 2ème chambre 6 novembre 2019 n°18PA02628).
De plus, sur le terrain civil, des conventions de management fees avaient pu être annulées pour absence de cause (Com. 14 septembre 2010, n°09-16.084).
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Dans l’attente de précisions sur ces différents points, une certaine prudence devra être conservée avant d’envisager la mise en place de convention de management fees et il semble plus prudent d’envisager d’autres pistes de rémunération, notamment en nommant la holding réalisant les prestations de services, dirigeante de la société d’exercice.