Perte de recours de la caution
L’action en remboursement de la caution qui, sans même avoir été poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, a remboursé sa dette, est exclue si ce dernier avait des moyens de faire déclarer la dette éteinte, ce que ne permettent ni l’irrégularité de la déchéance du terme ni une demande d’indemnisation au titre du manquement au devoir de mise en garde.
Une des hypothèses de déchéance du droit à remboursement de la caution solvens est envisagée par l’article 2308, alinéa 2 du Code civil qui dispose que « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier ».
Dans cette espèce, suivant offre de prêt acceptée le 27 août 2008, une banque a consenti à un emprunteur un prêt immobilier, garanti par le cautionnement d’une société tierce. A la suite du prononcé de la déchéance du terme par la banque, la caution a payé les sommes réclamées et assigné l’emprunteur en remboursement.
La Cour d’appel de Rennes a accueilli la demande de la caution, ce qui motiva un pourvoi en cassation du débiteur. Celui-ci soutint, à l’appui d’un premier moyen, que la caution qui a payé sans être poursuivie alors même que le débiteur principal était en mesure d’opposer utilement à la banque un moyen de droit (tiré de l’irrégularité de la déchéance du terme) se trouve privée de son recours contre le débiteur, en application de l’article 2308, alinéa 2 du Code civil. Par un second moyen, le débiteur prétendit que le paiement spontané de la caution l’avait empêché de faire valoir le moyen pris de la méconnaissance, par la banque prêteuse, de son devoir de mise en garde, de nature à éteindre partiellement la dette.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, retenant en premier lieu que « si, en l’absence de paiement effectué par la caution, l’emprunteur aurait pu invoquer l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme affectant l’exigibilité de la dette, il n’avait pas ainsi les moyens de la faire déclarer éteinte », et en deuxième lieu « qu’une demande d’indemnisation formée contre la banque au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde tend à l’octroi de dommages-intérêts et ne vise pas à éteindre la dette de l’emprunteur. Dès lors, la cour d’appel n’a pu qu’écarter l’application des dispositions de l’article 2308, alinéa 2, du Code civil ».
A travers cet arrêt, la Haute Juridiction se livre à une interprétation stricte de l’article 2308, alinéa 2 du Code civil, en distinguant la déchéance du terme de l’extinction même de la dette qui, seulement pour cette dernière, entre dans le champ d’application de l’article 2308, alinéa 2 du Code civil, limitant ainsi la protection accordée à l’emprunteur vis-à-vis de sa caution.
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 24 mars 2021, F-P, pourvoi n° 19-24.484