Les modifications apportées par la loi 3DS sur le transport ferroviaire
La loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS) a été promulguée le 21 février et publiée au Journal officiel de la république française le 22 février dernier.
Cette loi apporte quelques modifications et précisions sur différents sujets relatifs au transport public ferroviaire de voyageurs.
Des précisions et un élargissement du périmètre du transfert de gestion des lignes du réseau ferré national
La loi 3 DS renforce la prise en compte du transport de marchandise dans le cadre du transfert de gestion. Ainsi, l’approbation du Ministre chargé des transports doit prendre en compte « la politique nationale en matière de transports, y compris les besoins liés à l'activité de transport ferroviaire de marchandises, notamment l'accessibilité des lignes aux transporteurs ferroviaires de marchandises, dans des conditions techniques et tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires » (article L.2111-1-1 premier alinéa du code des transports).
Le périmètre du transfert de gestion est étendu, à tout le moins, précisé dès lors qu’il porte sur le réseau ferré national ainsi que sur « les installations de service relevant du domaine public ferroviaire mentionné à l'article L. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques et dédiées à la gestion de ces lignes » (article L.2111-1-1 alinéa premier du code des transports) sous réserve que ces installations soient « majoritairement dédiées aux missions faisant l'objet du transfert ».
Par ailleurs, l’autorité organisatrice bénéficiaire du transfert de gestion peut modifier l’affectation des biens dont la gestion lui est transférée sous réserve de l’accord du ministre chargé des transports, sans que ce changement entraîne un retour des biens à la société SNCF Réseau ou sa filiale SNCF Gares & Connexions (art. L. 2111-1-1 du code des transports).
La loi précise que l’autorité organisatrice bénéficiaire du transfert de gestion :
- « assume la pleine responsabilité des missions de gestion de l'infrastructure sur les lignes faisant l'objet du transfert de gestion et, le cas échéant, de la gestion des gares de voyageurs transférées ou peut confier à toute personne la pleine responsabilité de tout ou partie de ces missions de gestion de l'infrastructure et, le cas échéant, de la gestion de ces gares de voyageurs ».
- « est substituée à la société SNCF Réseau ou à la filiale mentionnée au même 5° dans l'ensemble des droits et obligations liés aux biens qui lui sont transférés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date ».
S’agissant de l’impact financier, la loi modifie l’article L.2111-20-1-1 du Code des transports en précisant que la transaction financière qui détermine la compensation des impacts économiques, positifs ou négatifs portent sur « l’excédent brut d’exploitation »
A l’image de ce qui est prévu pour le transfert de missions (cf infra), la loi 3DS précise également que la société SNCF Réseau ou sa filiale mentionnée au 5° de l'article L. 2111-9 n'est pas compensée des conséquences de ce transfert de propriété sur son actif. Ce transfert n'ouvre pas, pour la société SNCF Réseau ou pour sa filiale mentionnée au même 5°, « de droit à compensation des investissements qui ne seraient pas amortis pour les biens concernés par ce transfert de propriété. »
Les précisions apportées sur le transfert de missions
La loi apporte à l’article L.2111-9-1 A les précisions suivantes :
- « L'autorité organisatrice des transports ferroviaires bénéficiaire du transfert de missions de gestion de l'infrastructure est substituée à la société SNCF Réseau dans l'ensemble des droits et obligations liés aux missions de gestion de l'infrastructure qui lui sont transférées, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date ».
- la compensation des impacts économiques, positifs ou négatifs portent sur « l’excédent brut d’exploitation »
- « La société SNCF Réseau n'est pas compensée des conséquences de ce transfert de missions de gestion sur son actif. Ce transfert n'ouvre pas, pour la société SNCF Réseau, de droit à compensation des investissements qui ne seraient pas amortis pour les lignes concernées par ce transfert de missions de gestion. »
La mise à disposition du personnel dans le cadre du transfert de gestion, de missions du gestionnaire d’infrastructure ou du transfert de propriété d’infrastructures ferroviaires ou d’installations de services appartenant à l’Etat :
Il est créé un nouvel article L.2111-9-1 B sur ce sujet.
Il y est précisé que la mise à disposition s’opère :
- « Dans les conditions prévues à l'article L. 334-1 du code général de la fonction publique et à l'article L. 8241-2 du code du travail, lorsque le salarié est mis à la disposition de la personne publique bénéficiaire du transfert » ;
- « Dans les conditions prévues au même article L. 8241-2, lorsque le salarié est mis à la disposition de la personne privée à qui le bénéficiaire du transfert confie la pleine responsabilité de tout ou partie des missions de gestion de l'infrastructure sur les lignes faisant l'objet du transfert ou, le cas échéant, des missions de gestion d'installations de service transférées »
La convention de mise à disposition ne peut excéder vingt ans et doit être la même que celle de la convention de transfert de missions ou de gestion (qui ne pourrait donc excéder vingt ans).
L’extension du périmètre des réseaux bénéficiant d’un régime dérogatoire de la gestion d’infrastructure
Conformément à la directive 2012/34 du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (dite directive refonte), le code des transports prévoit les règles de gestion d’infrastructure visant à garantir notamment l’indépendance de cette gestion d’infrastructure par rapport à l’exploitation de services de transport ferroviaire, l’égalité d’accès au réseau ainsi que la séparation comptable des activités liées à la gestion d’infrastructure et l’exploitation de services de transport ferroviaire.
Néanmoins, et conformément à la directive refonte, l’article L.2122-2 I du Code des transports autorise certains réseaux à bénéficier d’un régime de dérogations aux règles de droit commun de la gestion d’infrastructure. La liste de ces réseaux est complétée par la loi 3DS et comprend désormais « Les réseaux locaux et régionaux autonomes destinés uniquement à l'exploitation de services de transport de voyageurs empruntant une infrastructure ferroviaire ».
Un allègement de la cession du réseau ferré national prévue à l’article L.3114-1 du Code général de la propriété des personnes publiques
Lorsque la cession envisagée portait sur les lignes régionales à faible trafic, elle était soumise à la condition que les lignes n’aient pas été utilisées par des services de transport de personnes depuis plus de cinq ans. Cette condition est supprimée.
Le calcul du nombre de salariés transférés en cas de changement d'attributaire d'un contrat de service public portant sur un service de transport ferroviaire
En cas de changement d'attributaire d'un contrat de service public portant sur un service ou une partie de service de transport ferroviaire de voyageurs ou sur des activités participant à sa réalisation, l’article L.2121-20 du code des transports prévoit le principe du transfert des contrats de travail en cours depuis au moins six mois à la date de notification de l'attribution du contrat de service public.
En application de l’article L.2121-22 du code des transports, le nombre de salariés dont le contrat de travail se poursuit auprès du cédant est fixé d’un commun accord par le cédant et l’autorité organisatrice dans un délai de neuf mois courant à compter de la publication de l’avis de préinformation prévu par l’article 7 du règlement n°1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route et abrogeant les règlements (CE) n° 1191/69 et 1107/70 du Conseil (dit règlement OSP).
Cet article L.2122-22 précise que le nombre de salariés est calculé à partir du nombre d’ETP à la date de l’avis de préinformation.
Sur ce fondement, la Cour d’appel de Paris, saisie par SNCF Voyageurs aux fins de réformation de la décision de l’Autorité de régulation des transports du 28 février 2020 portant règlement du différend entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et SNCF Voyageurs relatif à la détermination du nombre d’emplois devant être transférés en cas de changement de titulaire de lots du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs conclu entre la région et SNCF Voyageurs (n°2020-019), avait jugé que :
« 52. Il en résulte que le nombre d’emplois transférés à l’opérateur alternatif doit nécessairement être évalué à partir des effectifs affectés aux services concernés à la date de publication de l’avis de pré-information, sur la base d’un constat de l’existant, et qu’il ne peut être pris en considération aucun élément postérieur susceptible de modifier l’évaluation préalable servant de base à la mise en concurrence » (CA Paris, 6 mai 2021, n°20/051667).
Il en résultait que dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence, les candidats avaient connaissance d’un nombre de salariés à reprendre qui ne correspondait pas forcément au nombre effectif de salariés à reprendre lors de la date d’attribution du contrat.
Aussi, le législateur précise désormais à l’article L.2122-22 alinéa que le nombre d’équivalents à temps plein travaillé :
« peut prendre en compte la trajectoire prévisionnelle d'évolution des effectifs résultant d'une modification, jusqu'à la date du changement d'attributaire connue au moment où les informations mentionnées au présent alinéa sont portées à la connaissance du cédant, de l'offre de transport et de services fixée dans la convention d'exploitation ou le contrat de concession du service concerné ou des dispositions réglementaires applicables ».