Mesures de police administrative adoptées dans le contexte des émeutes

Après le décès de Nahel le 27 juin et en raison émeutes qui ont suivi, les autorités administratives ont dû déterminer les décisions de police administrative à adopter, afin d’éviter les troubles à l’ordre public.

Pour comprendre le traitement juridique de cette situation, il faut commencer par présenter certaines caractéristiques de l’architecture des pouvoirs de police.

1°) Organisation des pouvoirs de police administrative

Nous mettons de côté à ce stade, l’exercice des pouvoirs de police administrative des autorités à compétence nationale et la question de l’état d’urgence, issu de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, qui ne sont pas encore à l’ordre du jour. De même, nous n’examinons pas les pouvoirs de police administrative spéciale portant sur des domaines spécialement réglementés.

Les maires sont les premiers acteurs concernés par le pouvoir de police générale. Ils disposent en effet, par principe, du pouvoir de police administrative sur le territoire de leur commune, en application de l’article L. 2212-2 du Code général du Code général des collectivités territoriales (ci-après CGCT). Les maires peuvent ainsi adopter des mesures restrictives de liberté afin « d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».

Les préfets exercent leurs pouvoirs de police dans certaines hypothèses visées à l’article L. 2215-1 du CGCT :

  • « dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques » ;
  • lorsque le champ d'application des mesures à adopter excède le territoire d'une commune.

Il existe aussi des dispositions particulières dans certains secteurs, comme à Paris, où les pouvoirs du Préfet de police sont plus étendus que dans le cas général (article L. 2512-13 du CGCT).

Si l’on procède à l’examen des diverses situations rencontrées sur le territoire français et plus particulièrement des spectaculaires mesures de couvre-feux, nous observons deux situations. Dans certains cas, a priori les plus nombreux, les maires ont décidé d’adopter des mesures de police. Dans d’autres cas, les maires n’ont pas souhaité intervenir et laissent donc le soin, aux préfets d’agir. C’est l’hypothèse rencontrée par exemple à Lyon, où le maire estime qu’il appartient à l’État d’intervenir et refuse donc d’adopter des mesures contraignantes.

Cette articulation entre collectivités territoriales et État ayant été brièvement rappelée, il reste à savoir quelle est l’étendue des restrictions de liberté pouvant être décidées.

2°) Contenu des décisions de police administrative

Le régime applicable est déterminé la célèbre jurisprudence du Conseil d’État « Benjamin » du 19 mai 1933 (req. n°17413). Il ressort de cette jurisprudence, qu’une autorité administrative peut légalement adopter des mesures restrictives de liberté, si elles sont de nature à prévenir un trouble à l’ordre public et à la condition qu’elles soient adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l’ordre public.

C’est en appliquant, notamment, ce cadre juridique, que le juge des référés de Cergy-Pontoise, a rejeté un référé-liberté formé à l’encontre d’un arrêté du Maire de Clamart instituant un couvre-feu, (deux ordonnances du 30 juin 2023, req. n°2308852 et 2308902). Le juge a en effet estimé que des atteintes graves aux biens et à la sécurité des personnes avaient été constatées depuis la soirée du 27 juin 2023, telles que  « d’importantes destructions par le feu de biens publics et notamment de mobiliers urbains, de moyens de transports publics et d’une rame du tramway T6 passant sur le territoire de la commune compris dans le périmètre du couvre-feu (…) De nombreux pillages et destructions de commerces, des menaces sur des agents du service public et des mises en danger de la vie d’autrui ».

Le juge a aussi relevé que les restrictions étaient limitées dans le temps et l’espace, puisque le couvre-feu s’appliquait de 21 h 00 à 6 h 00, du 29 juin au 3 juillet, dans certains secteurs vulnérables seulement.

La mesure de couvre-feu n’était donc pas disproportionnée.

D’autres mesures de police peuvent être citées telles que par exemple, l’interdiction de la détention et de la vente de feux d’artifice (arrêté du 29 juin 2023 du Préfet du Nord) ou les interdictions de rassemblement afin d’empêcher des manifestations (par exemple : arrêté du Préfet de l’Isère du 30 juin 2023).

Il est intéressant de noter que l’autorité administrative comme le juge, doit apprécier localement et temporellement les mesures à adopter. C’est-à-dire qu’il n’existe pas de solution juridique tirée du pouvoir de police administrative générale qui permette, de manière systématique, de mettre fin aux situations chaotiques rencontrées sur le terrain. Suivant les événements, il pourra être utile d’examiner les autres outils juridiques déployés par l’administration.