Délai et procédure
Illustration pratique de la suspension du délai de prescription de la garantie de parfait achèvement
Dans un arrêt du 19 février dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes vient de fournir une illustration des hypothèses de suspension / interruption des délais de procédure, appliquée au délai de la garantie de parfait achèvement, dans le cadre d’un marché public de fourniture et de pose d’une citerne au SIAEP (Syndicat Intercommunal d'Adduction d'Eau Potable) de Chailland.
Dans une décision du 20 novembre 2020, faisant directement application des articles 2239, 2241 et 2242 du Code civil, le Conseil d’État avait jugé qu’il résulte de ces dispositions :
- d’une part, que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu’à l’extinction de l’instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu’à la remise par l’expert de son rapport au juge ;
- d’autre part, que la suspension de la prescription, en application de l’article 2239 du Code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, le cas échéant faisant suite à l’interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de cette mesure et ne joue qu’à son profit, et non, lorsque la mesure consiste en une expertise, au profit de l’ensemble des parties à l’opération d’expertise, sauf pour ces parties à avoir expressément demandé à être associées à la demande d’expertise et pour un objet identique (CE, 20 novembre 2020, req. n° 432678).
La Cour administrative d’appel de Nantes a fait une application de cette jurisprudence en matière de suspension du délai de garantie de parfait achèvement. En l’espèce, les travaux d’installation de la citerne ont été réceptionnés sans réserve le 10 avril 2015, point de départ du délai d’un an de mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement. La citerne a été réceptionnée sans réserve le 10 avril 2015, puis elle s’est éventrée le 4 juillet 2015.
La saisine du juge des référés par le SIAEP afin de voir désigner un expert, le 31 mars 2016, a interrompu le délai de la garantie de parfait achèvement. Le délai de cette garantie a recommencé à courir le 12 mai 2016, date à laquelle le Tribunal a rendu son ordonnance désignant un expert. Il s’est trouvé suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, le 18 juillet 2017. Le SIAEP a alors engagé une action indemnitaire recherchant la responsabilité de l’entreprise devant le Tribunal le 28 décembre 2017, en invoquant la responsabilité contractuelle. Il a précisé le fondement de sa demande par courrier enregistré au greffe du tribunal le 18 janvier 2018, puis, par un mémoire enregistré le 15 avril 2019, le SIAEP s’est expressément prévalu de la garantie de parfait achèvement.
La Cour juge que le deuxième alinéa de l’article 2239 du Code civil disposant que le délai de prescription suspendu « recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. », le délai de la garantie n’expirait que le 18 janvier 2018 et a donc été de nouveau interrompu lorsque le SIAEP a invoqué la responsabilité contractuelle de la société.
Par ailleurs, l’article 2242 du Code civil précisant que « L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. » et la garantie de parfait achèvement reposant sur le même fondement juridique que la responsabilité contractuelle, le SIAEP était encore recevable à invoquer la garantie de parfait achèvement lorsqu’il l’a explicitement citée dans son mémoire enregistré au greffe du TA le 15 avril 2019.
Il résulte de tout ce qui précède que la société Ch. n’est pas fondée à soutenir que le SIAEP ne pouvait plus se prévaloir de la garantie de parfait achèvement.
CAA Nantes, 19 février 2021, requête n° 20NT01602