Nullités en droit des sociétés : les objectifs de l’ordonnance du 12 mars 2025

La réforme des nullités en droit des sociétés mise en place par l’ordonnance du 12 mars 2025 change en profondeur les règles qui prévalaient auparavant. Elle met fin au « double étage » entre Code civil et Code de commerce, pour installer un socle unique au sein des articles 1844-10 à 1844-17 du Code civil. Derrière ce recentrage, on lit une volonté claire du législateur : restaurer la lisibilité du droit, contenir les annulations opportunistes et redonner au juge un rôle d’arbitre éclairé, apte à préserver l’intérêt social sans sacrifier les droits des associés. Les praticiens y gagnent une boussole commune, à condition d’ajuster leurs réflexes.

D’abord, l’unification clarifie le terrain. Les nullités « automatiques » pour de simples manquements formels reculent, tandis que la sanction se raisonne à l’aune de dispositions véritablement impératives. Cette inflexion ferme le robinet des contentieux purement procéduraux et replace la discussion là où elle doit être : sur l’intérêt protégé, sur la qualité de l’information, sur la régularité substantielle du processus décisionnel. L’avocat ne plaide plus un défaut de forme comme un couperet ; il démontre un grief, une influence, une atteinte concrète. C’est plus exigeant, mais plus juste.

S’agissant des décisions sociales, la réforme consacre un triple test simple à énoncer et concret à manier : grief avéré, influence sur l’issue ou le contenu de la décision, proportionnalité de la sanction au regard de l’intérêt social. Ce filtre protège les opérations structurantes — augmentation de capital, restructuration, fusion — contre l’annulation en cascade pour une irrégularité mineure. Il invite aussi à documenter la préparation des assemblées : convocations propres, ordres du jour explicites, procès-verbaux denses, traçabilité des échanges. La régularisation retrouve une place centrale : un nouveau vote, une ratification écrite, une recomposition régulière d’organe peuvent suffire à éteindre l’irrégularité. Et lorsque l’annulation reste inévitable, la modulation dans le temps permet de ne pas renverser des montages déjà exécutés, au bénéfice de la stabilité et des tiers de bonne foi.

Le contrat de société n’échappe pas au mouvement de simplification voulu par le législateur dans tous les domaines, avec des résultats parfois variables. Le périmètre des causes de nullité se resserre, en cohérence avec le droit européen. Les contentieux glissent alors vers d’autres outils — responsabilité ou actions de droit commun — mieux calibrés pour sanctionner les comportements déloyaux sans fragiliser l’existence de la société et de ses actes. Dans les SAS, la liberté statutaire demeure, mais elle appelle une plume plus fine : des clauses de nullité internes trop générales ouvriraient une brèche contentieuse. Mieux vaut viser juste, hiérarchiser les irrégularités, prévoir des mécanismes de confirmation et soigner l’ingénierie des textes.

Au fond, la réforme ne promet pas une sécurité « automatique » ; elle propose une sécurité réfléchie. Elle exige de chacun — directions juridiques, conseils, dirigeants — un surcroît d’anticipation : intégrer le risque de nullité dans les due diligences, ajuster garanties et conditions suspensives, cartographier les décisions sensibles, former les organes de gouvernance à la culture du risque juridique. Le droit y gagne en cohérence ; la pratique, en maturité.

L’équipe du pôle Droit des sociétés et Fusions-Acquisitions se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, n’hésitez pas à nous contacter.

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