Conventions réglementées : la faute sans intention

Par un arrêt du 17 septembre 2025 (Cass. com., n° 23-20.052), la Cour de cassation vient de rappeler avec force que le non-respect de la procédure des conventions réglementées constitue, à lui seul, une faute de gestion. Fini le temps où le dirigeant pouvait invoquer sa bonne foi pour se dédouaner : désormais, la seule méconnaissance des règles d’autorisation et de contrôle suffit à engager sa responsabilité. Une décision qui réaffirme la rigueur du droit des sociétés et le rôle central de la gouvernance dans la moralisation de la vie des affaires.

1. Un dirigeant face à sa propre signature

Les faits tiennent presque d’une parabole. Président du directoire de la société Kaeser compresseurs, M. [N] avait institué, par un accord signé en 2007, un compte épargne-temps (CET) dont il était lui-même bénéficiaire. Lors de son départ à la retraite, il perçoit 55 450 € au titre des droits acquis. Quelques années plus tard, la société conteste la validité de cet accord et réclame restitution. La Cour d’appel de Lyon rejette sa demande, estimant qu’en l’absence de dissimulation ou de manœuvre frauduleuse, aucune faute de gestion ne pouvait être retenue contre l’ancien président.

La Cour de cassation, au contraire, casse cet arrêt : la procédure des conventions réglementées n’avait pas été respectée, et ce seul manquement suffit à caractériser la faute. Le visa est limpide : articles L. 225-90 et L. 225-251 du Code de commerce.

2. La rigueur du texte, la fin de l’excuse morale

L’arrêt écarte toute idée d’intention ou de mauvaise foi. Peu importe que le dirigeant ait agi dans la transparence, ou qu’aucun préjudice direct n’ait été prouvé : l’obligation d’autorisation préalable du conseil de surveillance est une règle impérative. Y contrevenir, même par négligence, revient à violer la loi et donc à commettre une faute.

Cette lecture objective de la faute met fin à une jurisprudence parfois hésitante, où l’on exigeait la preuve d’une fraude ou d’une dissimulation. Elle simplifie la charge de la preuve pour la société qui agit contre son dirigeant : il suffit de démontrer le manquement procédural.

3. Une clarification bienvenue pour la gouvernance

La décision du 17 septembre 2025 s’inscrit dans un mouvement plus large de consolidation du contrôle des conventions réglementées. Ces règles, prévues aux articles L. 225-86 et suivants du Code de commerce, visent à éviter les conflits d’intérêts entre dirigeants et sociétés. Elles imposent un contrôle à deux temps : autorisation préalable, puis information de l’assemblée générale.

En affirmant que le non-respect de cette procédure constitue en soi une faute, la Cour rappelle que la gouvernance n’est pas une formalité, mais un outil de protection de l’intérêt social. Elle renforce aussi la distinction entre l’action en nullité de la convention – qui suppose un préjudice – et l’action en responsabilité du dirigeant, qui repose sur la seule violation du texte. Le message est clair : un manquement à la procédure expose le dirigeant, même si la société n’a pas subi de dommage chiffrable.

4. Vers une culture du risque juridique accru

L’enseignement est double. D’un côté, la responsabilité du dirigeant devient plus aisée à engager ; de l’autre, la prévention devient primordiale. Les conseils devront systématiser la traçabilité des autorisations et renforcer la vigilance des organes de surveillance. Les commissaires aux comptes et les conseils juridiques voient leur rôle conforté : le respect des procédures formelles est désormais un gage de sécurité, non une contrainte accessoire.

Cette jurisprudence s’inscrit dans une logique de moralisation de la vie des affaires et d’alignement du droit français sur les standards européens de gouvernance. Elle rappelle que le droit des sociétés ne tolère pas l’approximation : la loyauté du dirigeant ne dispense jamais du respect de la règle.

L’équipe du pôle Croissance Externe/Corporate se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions

Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.