INFORMATIQUE

Une faute informatique se prouve par la voie technique. La transaction ne vaut pas preuve de responsabilité

Le Tribunal de commerce de Créteil, dans une décision du 6 juillet 2021, nous rappelle que l’informatique est une matière technique et que pour démontrer une faute, dans cette matière, il convient d’être particulièrement aguerri dans le domaine.

La société BOOKTRIP, qui exploite un concept innovant de commercialisation de séjours touristiques intégrant l’hébergement et des activités de loisirs sur place, a conclu un contrat de prestation informatique avec la société CFD Technologies en date du 24 octobre 2017 pour développer son site internet.

Le projet informatique a échoué et les deux sociétés ont conclu une transaction amiable pour « solde de tout compte (sic.) »

BOOKTRIP n’avait pas pu être lancé, ainsi son dirigeant, avait été endetté et placé en situation de surendettement. S’estimant victime de l’échec du projet, il demande donc réparation à la société CFD Technologies.

Pour engager la responsabilité délictuelle de CFD Technologies, le dirigeant de BOOKTRIP produit la transaction amiable conclue avec sa société. Il tente de montrer, grâce à cette transaction, que CFD a avoué sa responsabilité.

Il indique que CFD a signé cette transaction en admettant ainsi l’inexécution de ses obligations.

Or, le Tribunal constate que cette pièce ne suffit pas à établir une faute de ce prestataire informatique. « La transaction intervenue entre les sociétés BOOKTRIP et CFD ne constitue pas ipso facto une preuve suffisante que la société CFD aurait commis une faute à l’égard de la société BOOKTRIP ».

En effet, cette transaction contenait la mention « sans reconnaissance préalable de responsabilité ».

Cette décision est dans la droite ligne de ce qu’une transaction signifie. Elle permet de clore un différend en évitant le débat judiciaire (réduction de frais et du délai judiciaire ainsi que des aléas). Elle n’est pas un moyen de reconnaître confidentiellement sa responsabilité.

Dès lors, une simple transaction n’est pas en soi une preuve d’une faute contractuelle. Le client devra démontrer la faute contractuelle du prestataire, et le prestataire la faute du client.

Ainsi, le dirigeant, tiers au contrat entre sa société et un prestataire, pour engager la responsabilité délictuelle de ce dernier, devra rapporter la preuve de la faute contractuelle qu’aurait dû rapporter sa société.

Or, en l’espèce, seule une expertise judiciaire aurait permis au dirigeant de démontrer cette responsabilité du prestataire, puisque les arguments étaient bien trop techniques :

  • le client, estime notamment que le progiciel était inexploitable ; ce qui ne peut être démontré qu’en analysant le logiciel, son fonctionnement, sa conformité aux besoins… ;
  • de son côté, le prestataire estime que le client a fait évoluer son besoin, et produit une note d’un cabinet d’expertise technique montrant que sa responsabilité ne pouvait être engagée. Elle indique de plus que des tensions sont apparues en cours de projet. Elle précise également que les dysfonctionnements ayant entraîné l’échec du projet sont dus à des problèmes d’utilisation et/ou de la demande d’évolution dont la société BOOKTRIP refusait d’assumer les conséquences financières. Ces éléments également pour être démontrés nécessitent l’étude technique du projet.

En effet, ces arguments techniques obligent donc les parties à réclamer la mise en œuvre d’une expertise judiciaire, qui ne la met pas en œuvre souverainement, si elles veulent déterminer clairement les responsabilités.

Dans le cas contraire, celui qui oppose une faute trop technique à de fortes chances de voir sa demande rejetée faute de démonstration.

Tribunal de commerce de Créteil, 6 juillet 2021