Contrat administratif

Limitation résultant de la résiliation irrégulière d’un contrat administratif en raison des fautes commises par le titulaire

Toute illégalité commise par une personne publique est constitutive d’une faute. La jurisprudence a été fixée par une décision du Conseil d’Etat du 26 janvier 1973 (req. n° 84768) : « Cette illégalité, à supposer même qu’elle soit imputable à une simple erreur d’appréciation, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ».

Néanmoins, il ne suffit pas de caractériser une illégalité pour engager la responsabilité de l’administration. Cette responsabilité sera par exemple écartée, même si une décision est fondée sur des motifs inexacts, dès lors que le juge considère que d’autres motifs la justifiaient (CE, 15 juillet 1964, Prat-Flottes, req. n° 59536). De même, les fautes commises par la victime qui s’est placée dans une situation irrégulière ou a commis une imprudence peut conduire à exonérer ou atténuer la responsabilité de l’administration (CE, 22 février 1961, société Honnorat, req. n° 45275 ; CE, 17 juin 1998, req. n°167859 ; CE, 14 octobre 2015, req. n° 375538).

Dans le domaine contractuel, le raisonnement est similaire. Ainsi, les irrégularités entachant les sanctions appliquées au titulaire sont de nature à engager la responsabilité de l’administration (CE 5 juill. 1967, Commune de Donville-les-Bains, p. 297), mais sa responsabilité doit être écartée lorsque les manquements du cocontractant à ses obligations, justifiaient la sanction qui lui a été appliquée malgré les irrégularités entachant la décision de l’administration (CE 5 janv. 1973, OPHLM de la Ville de Paris, Lebon 13).

Par une décision en date du 18 mai 2021 (req. n° 442530), le Conseil d’État a apporté une précision à cette construction jurisprudentielle, en posant le principe suivant : « Les fautes commises par le cocontractant de la personne publique dans l'exécution du contrat sont susceptibles, alors même qu'elles ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du titulaire, de limiter en partie son droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit du fait de cette résiliation irrégulière ».

Par conséquent, le titulaire qui a mal exécuté son contrat et a ainsi commis une faute, ne pourra pas réclamer la réparation intégrale de son préjudice, alors même qu’il est victime d’une sanction irrégulière et qu’aucun élément de l’affaire ne peut justifier la décision dont il a fait l’objet.

Cette solution est lourde de conséquence pour les titulaires de contrats administratifs et sa portée peut vraisemblablement s’étendre à d’autres sanctions contractuelles moins graves que la résiliation pour faute. La physionomie des litiges relatifs aux sanctions contractuelles en est notablement modifiée, car les personnes publiques auront désormais à cœur d’introduire un titre subsidiaire dans leurs écritures afin de se prévaloir, en tout état de cause, de la solution dégagée par le Conseil d’État dans sa décision du 18 mai 2021 et réclamer ainsi une atténuation de leur responsabilité.

Conseil d’État, 18 mai 2021, requête n° 442530