Tarification des installations de service : 10 ans, ça suffit !
Dans son avis 2023-016 du 7 mars dernier, l’Autorité de Régulation des Transports émet un avis défavorable aux montants et conditions de fixation des redevances proposées par SNCF-Réseau au titre des prestations régulées sur les installations de service.
En application de l’article L 2122-5 CT, SNCF-Réseau doit publier chaque année le Document de référence du Réseau (DRR) décrivant les infrastructures mises à disposition des entreprises ferroviaires, ainsi que les conditions d’accès et de tarification.
S’agissant des installations de service, c’est-à-dire l’ensemble des installations embranchées nécessaires à la bonne circulation commerciale des trains de voyageurs ou de fret. A ces installations, s’ajoutent des prestations de service liées à l’utilisation des voies de services ou des cours de marchandises ou encore des bosses de gravité (manœuvres de trains, tri des wagons ou voitures).
Conformément à l’article L 2133-5-II, ce projet est soumis à un avis conforme de l’ART, ce qui implique qu’un avis défavorable ne permet pas son application. Le projet de DRR pour 2024 a été mis en ligne par SNCF-Réseau le 9 décembre 2022, déclenchant le délai d’examen de trois mois imparti à l’ART pour rendre son avis.
Le décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 définit les conditions dans lesquelles la tarification et les conditions d’accès aux installations doivent être définis. Le principe est que la redevance ne doit pas excéder le coût de la prestation, majoré d’un bénéfice raisonnable pour le gestionnaire d’infrastructure. Afin d’identifier ces coûts et en application du règlement d’exécution (UE) 2017/2177 de la Commission européenne du 22 novembre 2017, le gestionnaire d’infrastructure doit tenir une comptabilité analytique détaillée par installation ou catégorie d’installation mais également tenir compte des conditions réelles d’utilisation passées et de prévisions pour le futur. Il peut en outre opérer une modulation des tarifs sur une base objective et non discriminatoire.
SNCF-Réseau est désormais rompu à cet exercice puisque, dans un contexte certes balbutiant, l’ART (alors ARAF) exigeait dans sa décision 2013-028 du 13 décembre 2013 la mise en place d’une base de données des coûts, puis au cours des années suivantes a sollicité de plus en plus de précision et de transparence sur la constitution des coûts et a souvent rendu des avis partagés, estimant que la tarification de certaines catégories de prestations n’étaient pas suffisamment justifiée.
La décision de 2023, qui émet un avis défavorable sur l’ensemble du projet de tarification des prestations régulées 2024-2026, marque un certain durcissement, pour ne pas dire un agacement de l’ART.
Sans reprendre ici l’ensemble des critiques formulées par l’ART, cette dernière formule trois séries de reproches :
- Une légèreté de SNCF-Réseau avec la répétition d’erreurs ou d’incohérence aisément identifiable, car résultant de simples comparatifs avec d’autres documents fournis par le gestionnaire d’infrastructure (écarts avec les coûts complets, effectifs agents, coûts moyens constatés),
- Un défaut de maîtrise de certaines hypothèses, qui manquent de robustesse ou de justification (investissements non recalés, gestion des circulations, hausses importantes de certains tarifs),
- Un entêtement dans des démonstrations non convaincantes (notion large de poste d’aiguillage, modalités du tri par gravité, absence de prise en compte de gains de productivité).
En bref, cela fait beaucoup …
Toutefois, cet avis est paradoxal : SNCF-Réseau a progressé dans l’identification de ses coûts et l’activité concernée est somme toute assez marginale en charges comme en produits dans l’activité globale.
Mais précisément, il s’agit aussi d’un test sur la capacité du gestionnaire d’infrastructure à aboutir à des modèles fiables, conformes aux exigences communautaires, afin d’éviter toute discriminations mais également de permettre aux entreprises ferroviaires d’avoir une visibilité financière réelle.
Même pour un gestionnaire historique, parfois plus à l’aise pour faire que pour expliquer, dix ans, ça suffit.