Deux décisions récentes, du 7 décembre 2020, montrent l’importance de se conformer aux règles protégeant les données à caractère personnel (rappelons également que Carrefour France et Carrefour Banque ont été condamné le 18 nov. 2020 à 2 250 000 euros et 800 000 euros par la Cnil pour avoir manqué à se conformer aux exigences d’information délivrée aux personnes et de droits des personnes prescrits par le RGPD) : ces exigences doivent être une priorité pour tous.

Google LLC et Google Ireland Limited viennent d’être condamnées par la Cnil à un montant total de 100 millions d’euros d’amende (Délib, Cnil, SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, Google) et Amazon Europe Core à une amende de 35 millions d’euros (Délib., Cnil, SAN-2020-013 du 7 décembre 2020, Amazon).

Ces décisions apportent des précisions et rappellent les règles sur de nombreux thèmes que nous aurons l’occasion de commenter dans nos prochaines newsletters (responsabilité conjointe du traitement, compétence territoriale et matérielle de la Cnil, modalité d’estimation des sanctions).

Nous nous concentrerons cette fois sur la cause des sanctions octroyées par la Cnil à ces sociétés.

Concernant Google LLC et Google Ireland Limited, une délégation de la Cnil s’est rendue sur le site web google.fr et a constaté que des cookies étaient automatiquement déposés sur leur ordinateur, sans action de leur part. Et plusieurs de ces cookies poursuivaient un objectif publicitaire.

Or, les accès par un responsable du traitement à des informations stockées dans un équipement terminal de communication électronique ou l’inscription d’information dans un tel équipement par le responsable du traitement, ne peuvent avoir lieu qu’après avoir reçu son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle (Loi n°78-17 du 6 janv. 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 82).

L’utilisateur n’ayant pas exprimé son consentement, Google LLC et Google Ireland sont considérées comme ayant violé le texte applicable.

De plus, le texte réclame aux responsables du traitement d’informer les personnes concernées quant aux finalités de mise en place des cookies et moyens de s’y opposer.

Or, de telles informations n’étaient pas fournies par Google.

Cette dernière a essayé de remédier à la situation en cours d’instruction en présentant un bandeau qu’elle estimait conforme aux demandes de la Cnil. Ce bandeau contenait les informations suivantes :

« Google utilise des cookies et d’autres données pour fournir, gérer et améliorer ses services et annonces. Si vous acceptez, nous personnaliserons le contenu et les annonces que vous voyez en fonction de votre activité sur les services Google comme la recherche, Maps et YouTube. Certains de nos partenaires évaluent également la façon dont nos services sont utilisés. Cliquez sur « Plus d’informations » pour découvrir les options qui s’offrent à vous ou consultez la page g.co/privacytools à tout moment, les termes cookies, partenaires et g.co/privacytools étant des liens cliquables ».

Mais, la Cnil a considéré que ces informations étaient insuffisantes, et pour cause l’exposé des différentes finalités mentionnées dans ce bandeau demeure trop général pour que les utilisateurs puissent comprendre aisément et clairement pour quels usages spécifiques les cookies sont déposés sur leur terminal.

La Cnil nous indique qu’il faut permettre aux personnes concernées de personnaliser le contenu, elles doivent pouvoir refuser les cookies. Les termes « options » ou « Plus d’information » ne permettent pas à l’utilisateur de comprendre l’étendue de ces droits.

Enfin, lorsqu’un utilisateur désactivait la personnalisation des annonces sur la recherche Google en recourant au mécanisme mis à sa disposition, l’ensemble des cookies publicitaires n’était pas supprimé.

Concernant Amazon, la situation était équivalente : des cookies publicitaires étaient automatiquement déposés sur le terminal de l’utilisateur sans aucune information préalable. La Cnil a sanctionné ces manquements.

Il est donc indispensable pour toutes les sociétés exerçant leur activité sur internet d’actualiser leur dispositif de cookies afin d’être conforme aux exigences de protection des données à caractère personnel, à savoir notamment respecter l’information, le consentement et le droit d’opposition des personnes concernées.

Les magistrats fondent parfois leur décision exclusivement sur des rapports d’expertise privés, réalisés à l’initiative d’une seule partie.

Or, le juge ne peut se fonder que sur des éléments ayant été débattus contradictoirement et il doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction (article 16 du Code de procédure civil).

De fait, lorsque seule une des parties produit un tel rapport officieux, l’autre partie peut s’estimer lésée. L’expert privé n’est en effet pas contraint d’appeler les parties à s’expliquer contradictoirement, et ne rend compte qu’à ceux qui l’ont mandaté. Ces rapports peuvent éventuellement être impartiaux, même si l’expert concerné engage sa crédibilité.

C’est pourquoi, la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 14 mai 2020 (Cass. civ. 3ème, 14 mai 2020, n° 19-16278 et 19-16279) que le juge ne peut se fonder exclusivement sur un rapport d’expertise amiable pour prendre une décision.

Cette décision n’implique pas que le juge du fond ait à rejeter le rapport d’expertise officieux, mais qu’il doit corroborer ce qui y est indiqué par d’autres éléments de preuve (Cass. civ. 2ème, 2 mars 2017, n° 16-13337) ou de démonstration.

Les rapports d’expertise privés ont, comme toutes productions légalement obtenues, valeur de preuve dès lors que l’autre partie a pu se défendre et les contester dans ses écritures. En effet, la Cour de cassation avait précisé au juge du fond qu’un rapport régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties n’était pas inopposable (Cass. civ. 1ère, 11 mars 2003, n° 01-01430 et dans le même sens Cass. civ. 2ème., 10 fév. 1988, n° 86-18799 et Cass. com., 17 mai 1994, n° 92-13542).

Cette position de la Cour de cassation entraine-t-elle pour autant la fin des expertises privées, car le contenu ne serait pas utilisable ?

Certes d’un côté, l’expert privé saisi par une seule des parties n’a pas à garantir son impartialité.

Mais, d’un autre côté, les parties peuvent trouver un accord et dans la majorité des cas, les experts nommés à l’amiable dans les situations ou un projet informatique a échoué seront très compétents, et souvent ce sont ces mêmes experts qui sont inscrits sur les listes d’experts judiciaires. Leur rapport peut donc être rédigé avec la même probité que celle qu’aurait mise en œuvre un expert nommé par le juge. Il est alors dommage de priver les parties d’économies pour les contraindre à mettre en œuvre une expertise judiciaire.

C’est donc en ce sens que la Cour de cassation (étant précisé que cette décision est une exception, car la Cour estime plus généralement que malgré la présence de l’ensemble des parties, le rapport d’expertise ne peut être exclusivement utilisé comme pièce par le juge du fond – Cass. civ. 2ème, 13 sept. 2018, n° 17-20009) admet, dans le cas où les opérations d’expertise amiable ont été diligentées en présence de toutes les parties, qu’elles se sont déroulées de façon contradictoire et que les parties n’ont pas émis de réserves quant à l’avis de l’expert sur les responsabilités, alors qu’elles en avaient émises sur le montant des dommages, que le juge du fond puisse se fonder exclusivement sur un tel rapport (Cass. civ. 3ème, 29 oct. 2003, n° 01-11004).

Il paraît donc intéressant, si les parties le souhaitent, d’organiser une expertise amiable dans les conditions d’une expertise judiciaire. Le cadre d’une telle expertise amiable doit néanmoins être clairement défini entre les parties afin d’éviter toute impartialité de l’expert.

Un expert choisi par les parties sur une liste d’expert judiciaire reconnu sera le meilleur choix.

L’expertise privée conserve donc toute sa place.

 

Le Cabinet CLOIX & MENDES-GIL poursuit le développement de son département droit immobilier, notamment en matière de logement social puisqu’il vient de remporter l’appel d’offres lancé par REIMS HABITAT. Le Cabinet s’est vu attribuer le lot « droit des baux d’habitation – gestion locative – logement social » ainsi que le lot « droit des baux d’activités ». REIMS HABITAT rejoint ainsi les autres offices déjà assistés par notre cabinet dans leur gestion quotidienne, notamment : PARIS HABITAT – OPH, KREMLIN-BICETRE HABITAT – OPH et l’OPH MONTREUILLOIS.

La Région Grand Est, figure parmi les régions pionnières dans l’ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires régionales. Elle a ainsi signé avec SNCF Voyageurs une convention à tickets détachables permettant une ouverture à la concurrence de lignes ferroviaires dès 2021. A ce stade, plusieurs lignes et lots de lignes sont concernées : le lot Bruche-Piémont-Vosges, la ligne Nancy-Vittel-Contrexéville, des lignes transfrontalières et des lignes Nord Alsace.

Le Groupement formé par le cabinet et Algoé conseillera la région pour challenger et optimiser les plannings et matrices de risques, documents primordiaux dans la conduite de projet d’une telle envergure.

Le décret tant attendu relatif au transfert des lignes de desserte fine du territoire (vulgairement appelé « petites lignes ») et au transfert de missions de ces lignes est paru le 29 décembre 2020 (décret n°2020-1820 relatif au transfert de gestion de lignes ferroviaires d’intérêt local ou régional à faible trafic et au transfert de missions de gestion de l’infrastructure sur de telles lignes, et portant diverses autres dispositions). Dans la suite du présent article, il sera régulièrement fait référence à l’avis de l’Autorité de régulation des transports (ART) relatif au projet de décret relatif aux lignes de desserte fine du territoire (avis n°2020-069 du 22 octobre 2020).

Le champ d’application des transferts (de gestion et de missions)

L’article 1er du décret définit le champ d’application du transfert de gestion et de missions. Ce transfert peut porter sur les lignes répondant à un des trois cas suivants :

  1. Lignes comprises dans la liste des infrastructures ferroviaires locales fixée par arrêté en application du II de l’article L. 2122-2 du code des transports ou mentionnées au IV de cet article.
  2. Lignes n’appartenant pas au réseau structurant tel que défini par le contrat de performance prévu à l’article L. 2111-10 du code des transports, et sur lesquelles au moins 90% des services réguliers de transport ferroviaire de voyageurs au cours des cinq derniers horaires de service réalisés étaient organisés par des autorités organisatrices de transport ferroviaire autres que l’Etat.
  3. Lignes sur lesquelles aucun service de transport ferroviaire de voyageurs n’a circulé au cours des cinq derniers horaires de service réalisés.

Sur les lignes comprises dans la liste des infrastructures ferroviaires locales fixée par arrêté

A ce jour, cet arrêté n’est (toujours) pas paru.

Sur les lignes n’appartenant pas au réseau structurant et le seuil de 90 %

S’agissant du réseau structurant, l’Avis de l’ART constate que la définition de cette catégorie de lignes à travers un contrat de performance n’était pas pérenne et ne garantissait pas une mise en œuvre uniforme sur le long terme.

Pour rappel, le réseau structurant défini dans le contrat de performance susvisé concerne la LGV, le réseau ferré d’Ile-de-France et les lignes classées dans les catégories UIC 7 à 9.

S’agissant du seuil de 90%, la ligne est d’intérêt régional si 90 % des services réguliers de transport de voyageurs sont organisés par des autorités organisatrices de transport. Cela signifie donc que 9 % au plus de ces services peuvent relever de l’open access ou des services conventionnés de l’Etat.

En revanche, ce seuil exclut toute prise en considération du fret. Ainsi, si la ligne est occupée par une importante activité de fret, sa gestion ou des missions de gestion d’infrastructure peuvent être transférées à une région. La notion de faible trafic concerne donc seulement le transport de voyageurs.

Lignes sur lesquelles aucun service de transport ferroviaire de voyageurs n’a circulé au cours des cinq derniers horaires de service réalisés

Il s’agit des quelques lignes relevant du réseau ferré national mais fermées à la circulation ou plus utilisées dans les faits notamment du fait de leur caractère impraticable.

Les caractéristiques du transfert de gestion

L’objet et le régime du transfert de gestion

A vrai dire, il n’y a pas vraiment de précisions sur l’objet du transfert de gestion. Il faut donc se limiter aux indications fournies par l’article L.2111-1-1 du code des transports, le transfert de gestion porte sur l’ensemble des missions du gestionnaire d’infrastructure listées à l’article L.2111-9 du Code des transports.

Néanmoins, lorsque le périmètre du transfert demandé comporte des gares de voyageurs, le transfert de gestion doit porter sur un ensemble cohérent de gares exclusivement dédiées à la ligne. Nul doute que cette notion relative à « un ensemble cohérent de gares exclusivement dédiées à la ligne » suscitera de multiples interprétations.

S’agissant du régime du transfert de gestion, le Décret apporte quelques précisions à travers les conventions de transfert. En outre, l’article 4 dernier alinéa du Décret précise que si les actifs transférés relèvent de l’article 17 du décret n°2003-194 du 7 mars 2003, l’autorité organisatrice doit établir un document de référence du réseau.

L’article 5 du Décret précise également que la redevance d’accès n’est pas due.

La procédure de transfert

S’agissant de la procédure de transfert, elle peut être synthétisée de la façon suivante :

  • l’accord du Ministre des transports est obligatoire (compte tenu du fait que l’Etat est généralement propriétaire de l’infrastructure ferroviaire)
  • l’avis de SNCF Réseau et de SNCF Gares & Connexions doit être demandé
  • une convention (à caractère plutôt administratif) doit être signée entre l’autorité organisatrice d’une part et SNCF Réseau ainsi que SNCF Gares & Connexions d’autre part, cette convention précise notamment :
    • la date effective de transfert
    • le nombre de salariés concourant à l’exercice de missions de gestion de l’infrastructure ou d’exploitation d’installations de service,
    • les effectifs mis à disposition par la société SNCF Réseau et par la société SNCF Gares & Connexions
    • les conditions de la transaction financière
  • une convention à caractère technique doit être signée entre ces mêmes parties citées au paragraphe précédent avec éventuellement toute personne à qui serait confiée la pleine responsabilité de tout ou partie des missions de gestion de l’infrastructure ou d’exploitation d’installations de service sur les lignes faisant l’objet d’un transfert de gestion. Elle porte notamment sur la gestion des interfaces entre les lignes dont la gestion est transférée et les autres (maintenance, circulation, exploitation, raccordement, etc.)

Compensation financière

Les impacts économiques pour la société SNCF Réseau et pour la société SNCF Gares & Connexions d’un transfert de gestion réalisé en application de l’article L. 2111-1-1 du code des transports, ou d’un transfert de propriété réalisé en application des articles L. 3114-1 à L. 3114-3 du code général de la propriété des personnes publiques, sont déterminés en fonction des coûts et recettes liés aux actifs transférés.

Les impacts économiques pour la société SNCF Réseau sont déterminés en évaluant la différence entre, d’une part, les coûts et recettes prévisionnels dans la trajectoire de référence, et, d’autre part, les coûts et recettes estimés dans la trajectoire de projet correspondant à la mise en œuvre du transfert, selon les modalités prévues en annexe 2 du présent décret.

L’annexe 2 du décret précise effectivement les catégories de recettes (les redevances hors redevance d’accès) et de coûts (dépenses directes d’entretien et d’exploitation) à prendre en compte.

L’ART avait constaté que dans le projet de décret, il nous semble repris sur ce point par le Décret, la compensation financière ne prenait pas en compte la perte d’économie d’échelle ou d’envergure ainsi que la valeur nette comptable de l’actif résultant du transfert.

Les caractéristiques du transfert de missions

La procédure de transfert

La procédure est assez similaire au transfert de gestion avec quelques différences :

  • l’accord du Ministre des transports est obligatoire
  • l’avis de SNCF Réseau doit être demandé
  • une convention à caractère plutôt administratif doit être signé entre l’autorité organisatrice d’une part et SNCF Réseau d’autre part, cette convention précise notamment :
    • la date effective de transfert
    • la nature des missions de gestion de l’infrastructure transférées,
    • la date à laquelle le transfert intervient, le cas échéant sa durée,
    • le nombre de salariés concourant à l’exercice des missions transférées,
    • les effectifs mis à disposition par la société SNCF Réseau dans les conditions prévues au chapitre IV du Décret,
    • les conditions de la transaction financière mentionnée au I de l’article L. 2111-9-1 A du code des transports, et
    • les modalités de reprise par la société SNCF Réseau des missions transférées à l’issue du transfert le cas échéant. En particulier, cette convention prévoit les caractéristiques techniques qui devront le cas échéant être respectées par les différents composants de la ligne en fin de transfert.
  • une convention à caractère technique doit être signée entre ces mêmes parties citées au paragraphe précédent avec également SNCF Gares & Connexions et éventuellement toute personne à qui serait confiée la pleine responsabilité de tout ou partie des missions transférées. Elle porte notamment sur la gestion des interfaces entre les lignes dont la gestion est transférée et les autres lignes relevant du réseau ferré national (maintenance, circulation, exploitation, raccordement, etc.)

Compensation financière

Les impacts économiques pour la société SNCF Réseau d’un transfert de missions réalisé en application de l’article L. 2111-9-1 A du code des transports sont déterminés au cas par cas en fonction de la ligne considérée et des missions transférées.

Est évaluée la différence entre les coûts prévisionnels d’entretien directs de la ligne à la suite du transfert par rapport à la situation de référence, selon les modalités prévues en annexe 2 du présent décret.

Il nous semble que les préconisations de l’ART dans son Avis n’ont pas été suivies. L’ART considérait que la seule prise en compte des coûts directs n’était pas suffisante et qu’il était nécessaire de prendre en compte les coûts d’amortissement et les éventuels coûts de capital.

Il faut saluer la publication de ce décret dans le contexte actuel. Néanmoins, il semble que l’ensemble des préconisations de l’ART n’ait pas été suivi.

S’il est acquis que l’employeur manque à ses obligations lorsqu’il omet de prendre en compte les préconisations médicales – en l’espèce une interdiction du port de charges lourdes -, ce manquement caractérise-t-il pour autant un harcèlement moral ?

La question est importante puisque dans ce type de contentieux, seule la qualification de harcèlement permet d’entraîner la nullité du licenciement prononcé.

La Cour d’appel avait répondu par l’affirmative ce que la Cour de cassation confirme : le fait de « confier au salarié de manière habituelle, au mépris des prescriptions du médecin du travail, des tâches dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé et mis ainsi en péril l'état de santé de son salarié » suffisait à établir « l’existence d'éléments laissant supposer un harcèlement moral ».

Cette solution, qui n’est pas nouvelle (soc., 28 janvier 2009, n° 08-42616 ; soc., 7 janvier 2015, n° 13-17.602), confirme que la notion juridique du harcèlement est bien plus large que celle communément admise : elle désigne tout agissement ayant pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible d’altérer la santé du salarié, ce indépendamment de l’intention de son auteur.

Cass., soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-11.626, Inédit

Par un arrêt du 25 novembre dernier, la Cour de Cassation poursuit sa construction d’une notion de co-emploi réservée à des situations exceptionnelles : tout en refusant d’abandonner la notion de co-emploi au profit d’une seule responsabilité extra contractuelle, elle retient du co-emploi une définition extrêmement restrictive.

Elle abandonne ainsi son précédent critère de la triple confusion d’intérêts, d’activité et de direction posée par la jurisprudence dite Molex (soc., 2 juillet 2014, n° 13-15208), facilitant ainsi le travail d’interprétation des juges du fond.

Désormais le co-emploi est subordonné à la réunion de deux conditions particulièrement strictes : le juge devra constater « une immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale » ainsi qu’une « perte totale d’autonomie d’action de la filiale ».

La chambre sociale confirme par ailleurs la possibilité de mettre en cause la responsabilité civile délictuelle de la société mère sur le fondement de l’article 1240 du Code civil suite aux décisions fautives qu’elle aurait prise concernant la gestion de la filiale (soc., 24 mai 2018, n° 16-18.621, 16-22.881 et 17-15.630 publié).

Cass., soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13769

A l’occasion de redressements, certaines URSSAF ont pu considérer que les sommes attribuées aux salariés, qui auraient dû être soumises à cotisations, devaient être considérées comme « nettes de charges ». Dès lors, afin de déterminer l’assiette de redressement, elles reconstituaient en brut le montant de l’avantage pour lui appliquer les cotisations sociales patronales et salariales.

Cette pratique dite de « rebrutalisation » avait été admise par la Cour de cassation dans un précédent arrêt non publié (2ème civ., 16 septembre 2010, n° 09-10346) mais n’était appliquée que par certaines URSSAF, voire même qu’à certains cotisants par une même URSSAF.

Dans la présente décision, la Cour de cassation censure cette pratique en affirmant que « la société n’avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut ».

En d’autres termes, quand bien même les sommes versées par l’employeur n’avaient pas été soumises à cotisations et contributions sociales, elles devaient, en cas de redressement, être considérées comme des montants bruts.

In fine, pour calculer le montant du redressement, l’URSSAF devra donc tenir compte de la valeur de l’avantage ou encore du prix payé par l’entreprise, sans reconstituer artificiellement le montant brut qui aurait dû être versé – et élargir ainsi artificiellement l’assiette des cotisations -.

Cass., 2ème civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.194, Publié, Inscrit au rapport annuel

Lors des transferts partiels d’entreprise, le sort des salariés partageant leur activité entre l’ancienne et la nouvelle entité a toujours soulevé difficulté.

 

Afin d’éviter de « découper » les contrats de travail, la Cour de cassation depuis 2010 tranchait ainsi :

  • Si les salariés exécutaient leurs fonctions pour l’essentiel dans l’activité reprise, leur contrat de travail était intégralement transféré au nouvel employeur (Soc. 30 mars 2010, n° 08-42065) ;
  • A défaut, leur contrat continuait de s’exécuter chez le précédent employeur (Soc. 21 septembre 2016, n° 14-30.056).

 

Par un arrêt du 30 septembre 2020, elle opère un revirement de jurisprudence et abandonne le critère tiré du caractère essentiel ou non de l’affectation pour consacrer le principe de divisibilité du contrat de travail.

Dans la lignée d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE n°C-344/18 du 26 mars 2020), elle considère qu’en cas de transfert partiel d’entreprise, « les droits et les obligations résultant d’un contrat de travail sont transférés à chacun des cessionnaires, au prorata des fonctions exercées par le travailleur concerné. »

La Cour de cassation ajoute cependant trois exceptions pour lesquels le contrat de travail est intégralement transféré :

  • Dans l’hypothèse d’une scission impossible ;
  • Si la scission entraîne une détérioration des conditions de travail des salariés ;
  • En cas d’atteinte au maintien des droits des salariés garantis par la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001.

Ces exceptions laissent perplexes puisque, par nature, la scission du contrat n’est-elle pas impossible et/ ou n’entraîne-t-elle pas nécessairement une détérioration des conditions de travail ?

En effet, de par le saucissonnage de son contrat de travail, le salarié se retrouvera de facto avec deux employeurs, deux contrats de travail à temps partiel, des conditions de travail différentes ainsi que, potentiellement, deux lieux de travail distincts.

Exempte de tout pragmatisme, cette solution posera de nombreuses difficultés pratiques puisqu’il conviendra de pouvoir justifier à la fois du pourcentage exact d’affectation mais également de chacune des exceptions.

Il est à craindre que les contentieux se multiplient.

Cass., soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-24.881, Publié, Inscrit au rapport annuel

 

Associé fondateur du Cabinet d’avocats Cloix & Mendès-Gil dont il dirige aujourd’hui les pôles droit bancaire et financier et contentieux commercial, Sébastien Mendès-Gil vient d’être désigné au Conseil Scientifique de l’Association Nationale des Juristes de Banque (ANJB).

Fondée il y a plus de 50 ans, l’ANJB a pour mission de promouvoir le développement du droit bancaire et de resserrer les liens entre les membres de la profession de juriste de banque. Par la création de son Conseil Scientifique, elle entend contribuer aux débats la concernant, en favorisant un dialogue fécond entre auteurs d’analyses académiques et praticiens du droit.