Avant la tenue des assemblées générales annuelles d’approbation des comptes et d’affectation des résultats, il est bon de rappeler que les décisions collectives décidant de mettre en réserve les bénéfices de la société ne sont pas nécessairement empreintes d’abus de majorité.

En effet, l’abus de majorité est caractérisé par l’existence de deux conditions cumulatives, à savoir :

  • Une dimension objective : que la décision soit contraire à l’intérêt social ;
  • ET une dimension subjective : le seul motif de la décision est de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires. La rupture d’égalité des associés doit être intentionnelle.

Par deux arrêts en date du 10 juin 2020 et du 4 novembre 2020, la Cour de cassation rappelle que la mise en réserve des bénéfices n’est constitutive d’abus de majorité que si les conditions susvisées sont démontrées. Or, dans chacun de ces arrêts, il en manquait une.

Il ressort de la première affaire que même sans intérêt pour la société, la mise en réserve des bénéfices n’est pas forcément abusive.

Dans les faits, l’associé minoritaire d’une société demande l’annulation d’une résolution des associés ayant décidé la mise en réserve de plus de 550.000 euros de bénéfices ; il fait valoir que cette résolution, qui fait suite à d’autres mises en réserves, était constitutive d’un abus de la part des associés majoritaires l’ayant approuvée.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait accueilli cette demande en rappelant que la mise en réserve systématique des bénéfices, pendant de nombreuses années et sans projet d’investissement ou nécessité de gestion, est susceptible de caractériser un abus de majorité lorsqu’elle a pour effet de priver les associés minoritaires de leur droit aux dividendes. Selon la Cour d’appel, tel était le cas de la politique de mise en réserve poursuivie par la société, estimant que cette politique de pure capitalisation était contraire à l’intérêt social.

La Cour de cassation a censuré cette décision car la Cour d’appel n’avait pas expliqué en quoi la résolution litigieuse avait été prise dans l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment de l’associé minoritaire.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation ne remet pas en cause le fait que la mise en réserve systématique des bénéfices soit contraire à l’intérêt social, la première condition étant remplie, mais indique que la seule contrariété à l’intérêt social n’est pas suffisante pour caractériser l’abus de majorité, la deuxième condition doit être démontrée.

A contrario, dans le second arrêt en date du 4 novembre 2020, la Cour de cassation n’a pas jugé abusive la mise en réserve des bénéfices pendant sept ans de suite, car cette décision de mise en réserve était nécessaire pour que la société obtienne un prêt bancaire finançant un projet important, puis une fois le prêt obtenu, d’assurer à la société une capacité de remboursement sûre et durable. En l’espèce, la mise en réserve systématique des bénéfices n’était pas contraire à l’intérêt social, la condition objective pour caractériser l’abus de majorité n’était pas démontrée.

Pour conclure, la mise réserve systématique des bénéfices sociaux, qui prive les associés minoritaires de dividendes, constitue un abus de majorité lorsqu’elle est contraire à l’intérêt social et prise dans le but de favoriser les associés majoritaires au détriment des minoritaires.

Tel est le cas de la mise en réserve qui ne peut pas être tenue pour une mesure de prudence dans un contexte économique difficile dès lors qu’elle est le résultat de l’augmentation de sa rémunération par le gérant majoritaire (Cass. com. 20-2-2019 no 17-12.050 F-D).

Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juin 2020, pourvoi n° 18-15.614 F-D

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-20.409 F-D

Les conditions de nullité des décisions des organes sociaux sont d’interprétation stricte et sont visées, pour les sociétés commerciales, à l’article L. 235-1 du Code de commerce.

La contrariété à l’intérêt social n’est pas prévue par ce dernier texte et ne peut donc justifier la nullité d’une délibération sur ce seul fondement. C’est ce qu’a rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 13 janvier 2021 dans le cadre d’une contestation de rémunération d’un dirigeant jugé excessive.

Pour autant, d’autres fondements restent ouverts pour obtenir la nullité de la décision principalement sur le fondement de la fraude et de l’abus de droit.

Cour de cassation, chambre commerciale, 13 janvier 2021, pourvoi n° 18-21.860 F-P

Les conventions conclues à durée indéterminée peuvent être résiliées unilatéralement par chacune des parties. Afin d’assurer l’efficacité des pactes d’actionnaires et se prémunir contre une résiliation unilatérale, les pactes d’actionnaires sont conclus pour une durée déterminée, imposant ainsi aux parties de devoir respecter le pacte jusqu’à son terme.

La question s’est posée en pratique de savoir si le pacte pouvait être conclu pour la durée de la société (généralement 99 ans) sans qu’il soit considéré comme un contrat à durée indéterminée déguisé.

Pour la Cour d’appel de Paris, un pacte conclu entre les associés d’une société pour la durée de celle-ci, même si elle est de 99 ans, est à durée déterminée et ne peut donc donner lieu à une résiliation unilatérale.

Cette décision laisse entrevoir un allongement des durées des pactes d’actionnaires… Reste à savoir si cette décision sera confirmée notamment par la Cour de Cassation.

CA Paris, 15 décembre 2020, n° 20-00220, Sasu Kering France Participations c/ Analytic Project Inc.

Affirmanti incumbit probatio, mais…dans des délais en cohérence avec les faits, nous rappelle la 2ème chambre civile de la Cour d’appel de Dijon dans une décision du 10 décembre 2020.

Un client qui exerce une activité de vente en ligne de matériel professionnel de boulangerie, pâtisserie et chocolaterie a commandé auprès d’un prestataire des travaux de migration vers une nouvelle version de son système de gestion de contenu (CMS) intégrant sa plateforme de commerce électronique.

Un litige est survenu car le client estimait que le prestataire n’avait pas exécuté l’ensemble des prestations commandées, que le site internet n’était pas exploitable et comportait de nombreuses anomalies non corrigées.

Le Prestataire indique quelques mois plus tard avoir corrigé les anomalies, mais est assigné par le client en résolution du contrat à ses torts exclusifs.

Le client a produit au soutien de ses prétentions des constats d’huissier démontrant l’existence d’anomalies non corrigées.

Après que le Tribunal de commerce a rejeté ces moyens de preuve, le client a interjeté appel auprès de la Cour d’appel de Dijon qui va les rejeter également.

Tout d’abord, la Cour analyse la charge de la preuve et donc les règles du « match judiciaire (Y. Lequette et ali., Droit civil Les obligations, éd 12, Paris, Dalloz (Précis), 2018, p. 1977) », en constatant que le grief du client vise l’absence de finalisation du site qu’elle invoque et non l’absence de livraison et dans ce cadre en rappelant que la charge de la preuve lui incombe.

En effet, cette règle indique que (a) celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement (b) celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation (C.civ. art. 1353). Ceci étant sous réserve (c) qu’il n’existe pas de présomption qui dispense celui au profit duquel elle existe d’en rapporter la preuve (C.civ. art. 1354).

Dans cette espèce, (a) le client réclame l’exécution d’une obligation, celle-ci est évidente puisqu’elle relève du contrat conclu avec son prestataire ; (b) c’est donc au prestataire de prouver l’exécution, mais (c) il est constant que le prestataire a exécuté son obligation de livraison : le prestataire bénéficie donc d’une présomption de finalisation du site.

C’est pourquoi, la charge de la preuve se trouve renversée et la Cour demande au client de prouver l’absence de finalisation.

Ensuite, la Cour analyse les moyens de preuve fournis pour rejeter les constats d’huissier produits par le client, comme dénués de force probante quant au défaut de finalisation du site.

Mais, dans cette analyse, ce qui est remarquable c’est que ce n’est pas le contenu des constats qui pose problème, mais leur date de réalisation.

Quatre d’entre eux constatent en effet des anomalies, mais les constatent avant la date de livraison. Tout se déroule comme si le client essayait de démontrer que des anomalies existaient avant que le site internet ne soit livré. Même avant la livraison, un profane en informatique pourrait en effet être choqué et considérer qu’aucune anomalie ne doit être détectée. En réalité, cette situation est tout à fait habituelle dans le cadre de projets informatiques au cours desquels il y a toujours une phase de rodage où le système apprend à fonctionner dans l’environnement dans lequel il a été intégré : les corrections sont nécessaires à ce stade avant la livraison définitive.

Un autre constate également des anomalies, mais tardivement cette fois, près de 14 mois après la livraison. Ainsi, le prestataire a livré le site, puis ce n’est que 14 mois plus tard que le client réalise un constat d’huissier et l’oppose à son prestataire en indiquant qu’il y a de nombreuses anomalies.

Le juge rejette sa force probante, mais il motive ce rejet par des éléments sans lesquels il est fort probable qu’il aurait admis le constat comme moyen de preuve suffisant.

En d’autres termes, il ne suffit pas de produire un constat réalisé 14 mois après la livraison définitive des prestations, encore faut-il a minima démontrer que l’état dans lequel se trouvait le site à la date de livraison était identique à son état au jour du constat, 14 mois plus tard (une sauvegarde aurait pu être pertinente) et, à titre accessoire, éviter d’avoir recours au service d’un tiers pendant cette période, pour ne pas laisser planer le doute sur l’imputabilité des anomalies.

L’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent nécessairement être retenus contre celui qui avait la charge de cette preuve (Soc. 31 janv. 1962), a jugé la Cour de cassation, cette preuve a donc dû être rejetée au motif qu’il « ne saurait être retenu que les dysfonctionnements détaillés dans ce procès-verbal de constat soient de manière certaine imputables » au prestataire.

Constatons ainsi qu’il y a ici peut-être, dans la réalité, une erreur du prestataire, mais celle-ci n’étant pas démontrée, tout se passe comme si elle n’existait pas : comme le dit l’adage Idem est non esse aut non probari (« C’est la même chose de ne pas être ou de ne pas pouvoir être prouvé »).

L’idéal en vue d’un contentieux potentiel serait de déployer des procédures internes afin de documenter et de se réserver, dans l’action et non pas a posteriori, les preuves de toutes situations litigieuses.

Le 3 décembre 2020, la CJUE a eu l’occasion de se prononcer sur le statut juridique des plateformes en ligne : CJUE 3 décembre 2020 C-62/19 Star Taxi App SRL c/ la Municipalité de Bucarest

Cet arrêt est à mettre en perspective avec l’arrêt intervenu un an auparavant CJUE 19 décembre 2019 Airbnb Ireland C390/18, ou encore l’arrêt CJUE 10 avril 2018 Uber C-320-16.

Depuis 2017 et l’arrêt Uber, la CJUE est confrontée à cet objet nouveau qu’est la plateforme numérique et à la qualification juridique que cet objet doit revêtir. Une plateforme juridique doit-elle être qualifiée d’objet de la société de l’information relevant de la directive 2000/31 ou est-elle à lier à la qualification du service auquel elle est rattachée ?

Cela dépend, répond la CJUE.

Ainsi, le 10 avril 2018 la CJUE affirmait que le service de plateforme mise en relation avec des chauffeurs fourni par Uber relevait des services du domaine des transports – et non des services de la société de l’information puisque « le service d’intermédiation fourni par la société concernée était lié indissociablement à l’offre de services de transport urbain non collectif créée par celle-ci (…) [et que cette] société fournissait une application sans laquelle ces chauffeurs n’auraient pas été amenés à fournir des services de transport, et les personnes désireuses d’effectuer un déplacement urbain n’auraient pas eu recours aux services desdits chauffeurs ».

Toutefois, 19 décembre 2019, la CJUE conclura à l’inverse concernant la plateforme Airbnb.

Dans cet arrêt, la CJUE rappelle que si un service d’intermédiation satisfait aux conditions de la directive 2000/31, il constitue un service de la société de l’information distinct du service subséquent auquel il se rapporte. La CJUE indique qu’il n’en va autrement que s’il apparaît que ce service d’intermédiation fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service relevant d’une autre qualification juridique.

Au regard du service fourni par Airbnb, la CJUE estimait que la plateforme était dissociable du service global d’Airbnb. Plus spécifiquement, la CJUE relevait :

  • Que ce service ne tend pas uniquement à la réalisation immédiate de telles prestations mais consiste pour l’essentiel en la fourniture d’un instrument de présentation et de recherche des logements mis à la location, facilitant la conclusion de futurs contrats de location ;
  • Qu’un service d’intermédiation tel que celui fourni par Airbnb n’est aucunement indispensable à la réalisation de prestations d’hébergement, les locataires et les loueurs disposant de nombreux autres canaux à cet effet ;
  • Qu’aucun élément du dossier n’indiquait qu’Airbnb fixerait ou plafonnerait le montant des loyers réclamés par les loueurs ayant recours à sa plateforme.

Afin d’éclaircir encore davantage les éléments distinctifs entre le cas Airbnb ou le cas Uber, la CJUE rappelait très clairement que « Uber exerçait une influence décisive sur les conditions de la prestation de transport des chauffeurs non professionnels faisant usage de l’application mise à leur disposition par cette société » et que, au contraire, « les éléments visés par le juge de renvoi et rappelés au point 19 du présent arrêt ne permettent pas d’établir qu’Airbnb exerce une telle influence décisive sur les conditions de prestation des services d’hébergement auxquels se rapporte son service d’intermédiation, dès lors, notamment, qu’Airbnb ne détermine ni directement ni indirectement le prix des loyers réclamés, ainsi que cela a été constaté aux points 56 et 62 du présent arrêt, pas plus qu’elle ne procède à la sélection des loueurs ou à celle des logements proposés à la location sur sa plateforme ».

En synthèse, pour la CJUE, afin de ne pas être considérée comme faisant partie intégrante d’un service globale, une plateforme ne doit pas exercer d’influence sur le service rendu et ne doit pas être indispensable à l’exercice du type de service rendu.

La CJUE a eu l’occasion de préciser encore sa grille d’analyse par ce nouvel arrêt intervenu le 3 décembre 2020. Le service proposé était très similaire à la plateforme Uber et on aurait pu s’attendre à des conclusions de la CJUE similaires également. Or, il n’en est rien, bien que similaire, la plateforme n’est pas identique à celle d’Uber.

En l’espèce, la société Star Taxi App, exploitait une application éponyme mettant en relation directe les clients de taxi, avec les chauffeurs de taxi. L’application permettait de faire apparaître les chauffeurs disponibles pour effectuer la course souhaitée. Le client pouvait alors choisir son chauffeur au sein de cette liste sur la base de commentaires et des notes attribués.

De leur côté, les chauffeurs de taxi avaient conclu des contrats de fournitures de service avec la plateforme pour y être référencés, mais ne sont donc pas sélectionnés par la plateforme.

La société Star Taxi App ne transmettait ni les réservations aux chauffeurs de taxi ni ne fixait le prix de la course, lequel était versé directement au chauffeur.

Par ailleurs, le Conseil général de la Municipalité de Bucarest, de son côté, a adopté une réglementation relative au « dispatching ».

Le dispatching est l’activité connexe au transport par taxi, consistant à recevoir par téléphone ou par d’autres moyens les commandes des clients et à les transmettre au chauffeur de taxi au moyen d’un émetteur-récepteur radio.

La définition du dispatching a été étendue afin que soit soumise à autorisation préalable l’activité de dispatching de même nature effectuée au moyen d’une application informatique ainsi que pour les services de dispatching pour tous les taxis des transporteurs autorisés.

La société Star Taxi App n’a pas respecté cette réglementation et s’est donc vu infliger une amende.

La société Star Taxi App a saisi le Tribunal de Bucarest en contestation de cette décision, estimant ne pas être soumise à ce régime et être qualifié de service de la société de l’information lequel ne peut être soumis à un régime d’autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent en vertu de l’article 4 de la directive 2000/31.

Par question préjudicielle, il a donc été demandé à la CJUE si un service consistant à mettre en relation directe, au moyen d’une application électronique, des clients avec des chauffeurs de taxi, constitue un service de la société de l’information et si la décision de la Municipalité de Bucarest s’appliquait à elle.

Pour commencer, la Cour constate que :

  • Le service est fourni contre rémunération (le chauffeur paie pour y être référencé) ;
  • Le service est fourni à distance et par voie électronique ;
  • Le service est fourni à la demande individuelle des destinataires de celui-ci.

Dès lors, le service en cause rempli les conditions de l’article 1 paragraphe 1 sous b) de la directive 2015/1535 et est donc considéré comme un service de la société de l’information au sens de la directive 2000/31.

La question subsistante était, ce service de la société de l’information doit il être rattaché à un service global (arrêt Uber) ou peut-il en être dissocié (arrêt Airbnb) ?

La Cour constate que selon les caractéristiques du service Star Taxi App, ce dernier ne saurait être assimilé au service global du domaine des transports.

Pour ce faire, la Cour se base sur les éléments suivants :

  • Le service fourni par Star Taxi App met en relation de personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain uniquement avec des chauffeurs de taxis autorisés dont l’activité préexiste et pour lesquels ledit service d’intermédiation ne constitue qu’une modalité parmi d’autres de captation de la clientèle ;
  • Le prestataire ne sélectionne pas les chauffeurs de taxi ;
  • Le prestataire ni ne fixe, ni ne perçoit le prix de la course ;
  • Le prestataire n’exerce pas de contrôle sur la qualité du service de taxi.

Il résulte de ces faits que le service fourni par Star Taxi App ne fait pas partie intégrante d’un service global, dont l’élément principal serait la prestation de transport.

La Cour confirme ainsi sa jurisprudence Airbnb quant aux critères appliqués. Ce n’est donc pas le domaine d’intervention qui guide la réflexion des juges mais bien le fonctionnement concret de la plateforme et l’intervention, ou non, de la société éditrice de la plateforme.

En 2021, Cloix & Mendès-Gil est désormais désigné leader en contentieux financier, bancaire et haut de bilan dans la catégorie « Excellent ». Il est par ailleurs consacré en matière de médiation, dans la catégorie « incontournable » et en contentieux commercial et contentieux à risques, dans la catégorie « forte notoriété ».

Créé en 2001, le Cabinet a pour vocation de défendre et de conseiller, avec rigueur et réactivité, une clientèle de personnes morales et publiques.

Dirigé par Sébastien Mendès-Gil, le pôle « contentieux commercial, médiation et arbitrage » est un pilier fondateur du Cabinet. Constituée de plus de 10 avocats, cette équipe accompagne ses clients dans le traitement de leurs différends et s’engage à leurs côtés pour proposer des solutions pragmatiques et sur-mesure. Convaincu que la pertinence du conseil procède d’une connaissance aigüe des entreprises et de leurs environnements, le Cabinet cultive des relations de confiance avec ses clients qu’il accompagne dans toutes leurs évolutions.

Sébastien Mendès-Gil a également développé une expertise particulière en matière de contentieux bancaire, financier et immobilier. Accompagné de son équipe, il intervient en droit du crédit et des sûretés pour le compte de nombreux clients institutionnels, tant au stade de la prise de titres que des voies d’exécution ou d’une solution négociée, et ce devant toutes les juridictions nationales, les autorités administratives et la CJUE.

L’évolution constante des textes et de la jurisprudence en ces domaines impose un haut niveau de compétence et d’acuité : Sébastien Mendès-Gil dispense régulièrement des formations en droit bancaire et en droit immobilier, directement pour le compte des clients du Cabinet ou dans le cadre d’organismes de formation réputés. Il est, enfin, médiateur agréé auprès du CMAP, du CNMA, de la Cour d’appel de Paris, membre du Conseil scientifique de l’Association Nationale des Juristes de Banque, et de l’Association Européenne pour le Droit Bancaire et Financier ainsi que de l’Association Droit et Procédure.

 

 

 

Aux termes de l’Ordonnance n° 2020-1497 en date du 2 décembre 2020, le régime d’exception prévu par l’Ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l’épidémie de covid-19 a été prorogé jusqu’au 1er avril 2021.

L’Ordonnance a par ailleurs apporté des modifications sur le régime d’exception.

Le vote par correspondance a été généralisé à tous les groupements entrant dans le champ de l’Ordonnance du 25 mars 2020, y compris à ceux pour lesquels la loi ne prévoit pas déjà la possibilité de voter par correspondance (cas, par exemple, de la SARL).

La consultation écrite des associés a également été étendue à tous les groupements. Ce procédé devient donc possible dans les sociétés pour lesquelles la loi ne prévoit pas déjà ce mode de consultation, comme les sociétés anonymes, dès lors qu’elles ne sont pas cotées.

A noter également que le régime des assemblées générales tenues à huis clos est aménagé. L’article 4 de l’Ordonnance du 25 mars 2020 autorisait initialement la tenue de telles assemblées lorsque le lieu prévu pour la réunion était « affecté à la date de la convocation ou à celle de la réunion par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires ». Désormais, une assemblée ne peut se tenir à huis clos que si, « à la date de la convocation de l’assemblée ou à celle de sa réunion, une mesure administrative limitant ou interdisant les déplacements ou les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires fait obstacle à la présence physique à l’assemblée de ses membres ». Les conditions autorisant la tenue d’une assemblée à huis clos s’apprécient donc à présent, au cas par cas, et peuvent dorénavant se justifier par l’existence de mesures limitant ou interdisant les déplacements et plus simplement les rassemblements.

Les droits actionnaires de sociétés cotées (autre qu’une Sicav) sont en outre renforcés en cas de tenue d’une l’assemblée à huis clos sans possibilité d’y participer par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle :

  • D’une part, la société doit assurer la retransmission de l’assemblée en direct, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission ; elle doit également assurer la rediffusion de l’assemblée en différé ;
  • D’autre part, l’ensemble des questions écrites posées par les actionnaires et des réponses qui y sont apportées doivent être publiées sur le site internet de la société, dans la rubrique prévue à cet effet.

Ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020

 

 

Le cogérant d’une SARL a été révoqué lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes de la société sans que sa révocation n’ait été mise à l’ordre du jour.

Le cogérant a, en conséquence, demandé réparation du préjudice causé par sa révocation, intervenue selon lui de manière brutale et sans juste motif. Il s’est fondé sur l’article L. 223-25 alinéa 1er du Code de commerce qui prévoit que « Le gérant peut être révoqué par décision des associés […]. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. »

Le cogérant a avancé comme argument, d’une part, que la révocation du gérant ou des manquements de nature à l’entrainer doivent être prévus à l’ordre du jour de l’assemblée générale au cours de laquelle elle est décidée ; et d’autre part, que le gérant doit pouvoir s’expliquer sur les griefs qui lui sont reprochés avant que les associés ne se prononcent sur sa révocation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 14 octobre 2020 (n° 18- 12.183), a approuvé la Cour d’appel pour avoir écarté les griefs et jugé que la révocation du cogérant était intervenue pour un juste motif et que son caractère brutal n’était pas établi.

En effet, l’arrêt retient que lors de l’assemblée générale, à l’issue de laquelle est intervenue la révocation du cogérant, ont été discutées différentes anomalies et irrégularités ayant conduit les associés à ne pas approuver les comptes des exercices précédents, ni sa rémunération. Étant précisé que les associés avaient préalablement, à la réunion, posé des questions écrites au cogérant sur la gestion de la société sans obtenir de réponse.

La chambre commerciale indique, en outre, que les points inscrits à l’ordre du jour étaient susceptibles de déboucher sur la révocation du cogérant et qu’il avait été à même de présenter ses observations sur les fautes reprochées ; qu’en conséquence la Cour d’appel a pu valablement écarter le grief pris de la brutalité de la révocation, peu importe qu’elle ait été inscrite à l’ordre du jour ou non.

Enfin, sur le grief d’une révocation sans juste motif, la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel qui a valablement refusé de verser des dommages et intérêts puisqu’il était reproché au cogérant des comptes peu rigoureux comportant une erreur dans les stocks, des prélèvements relatifs à sa rémunération, en constante augmentation, et des relations entre la société et une autre société, dont le cogérant avait aussi la direction, non clarifiées par des conventions soumises à l’approbation des associés.

Pour conclure, cet arrêt confirme la possibilité de révoquer un gérant de SARL sur le principe de l’ordre du jour implicite, autrement-dit de l’incident de séance. En règle générale, seules les questions mentionnées dans l’ordre du jour peuvent être statuées, mais des incidents graves et imprévus peuvent changer le cours de la séance et conduire à une révocation de gérant de SARL. Toutefois, l’incident doit être lié à une question ou thème figurant dans l’ordre du jour. Il peut notamment s’agir de questions sur :

  • La gestion de la SARL ;
  • Les perspectives d’avenir de la société ;
  • L’examen des comptes sociaux de l’exercice écoulé.

Par ailleurs, le gérant doit être en mesure de présenter sa défense à partir des questions et des thèmes initialement mentionnés dans l’ordre du jour.

Cass., com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 18-12.183

L’opération de transformation d’une société en une autre forme est décidée par la collectivité des associés. Si la société a émis des valeurs mobilières donnant accès au capital avant l’opération, les porteurs de ses valeurs doivent, dans certaines hypothèses, se prononcer sur la transformation : mais à quelle majorité ?

Lorsqu’une société par actions émet des valeurs mobilières donnant accès à son capital, l’article L. 228-98 du Code de commerce prévoit que la société ne peut pas modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou par décision de la masse des porteurs de ces titres dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 du Code de commerce. Cet article renvoie à l’article L. 225-96 du même Code relatif aux conditions de délibération des assemblées générales extraordinaires de SA et prévoit que les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des voix exprimées.

Cependant, l’article L. 227-3 du Code de commerce prévoit, quant à lui, que la décision de transformation d’une société en SAS doit être prise à l’unanimité des associés.

En conséquence, se pose la question de savoir à quelle majorité se prononce la masse des porteurs de valeurs mobilières pour autoriser la transformation de la SA en SAS, lorsque le contrat d’émission ne l’a pas directement autorisé ? Est-ce à la majorité des deux tiers ou bien à l’unanimité des porteurs, futurs associés ?

Dans une communication en date du 7 octobre 2020, l’Association Nationale des Société par Actions (ANSA) a indiqué qu’une décision prise à la majorité des deux tiers est suffisante.

L’article L. 227-3 du Code de commerce, prévoyant l’unanimité, ne vise que les associés. Or inclure dans son champ d’application les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital aboutirait, selon l’ANSA, à aller « au-delà » des prévisions de cet article. Elle précise, en outre, que l’article L. 228-98 renvoie de façon générale à l’article L. 228-103, soit à une décision majoritaire sans faire de distinction selon le type de transformation envisagée ou la catégorie de valeur émise, et quelles que soient les clauses du contrat d’émission relatives à l’acquisition des actions.

Il convient de noter que l’interprétation de l’ANSA pourrait être remis en cause. En effet, par cet avis l’ANSA écarte une application extensive de l’article L. 227-3 du Code de commerce, en se raccrochant uniquement à la lettre des textes et non à leur esprit.

Si nous devions retenir comme interprétation l’esprit des textes, la réponse à la problématique pourrait être différente. L’esprit des textes susvisés viserait à protéger les actionnaires « potentiels » de la société et pas uniquement les actionnaires existants, surtout lorsque l’acquisition des actions ne dépend pas d’une décision individuelle du porteur comme c’est le cas pour les BSPCE ou les BSA, mais dépend de l’application d’une clause d’acquisition automatique comme pour les ORA sans possibilité de remboursement en numéraire. Selon cette interprétation, la transformation de la société serait décidée à la majorité des deux tiers dans les cas où les porteurs bénéficient d’une option en faveur de l’acquisition des actions, alors qu’en présence d’une clause d’acquisition automatique, l’accord unanime de tous les porteurs serait requis.

Pour l’ANSA, cette interprétation est d’une part contraire à la lettre des textes et d’autre part, elle rendrait l’opération de transformation périlleuse puisqu’il suffirait qu’un seul porteur s’abstienne de voter ou vote contre pour y faire échec.

Pour autant, si les juges retenaient une telle interprétation, la transformation décidée sans le consentement unanime des porteurs ne pourrait être annulée. Comme pour toute autre modification des statuts, les irrégularités commises lors de la transformation d’une société n’entraînent sa nullité que dans les cas expressément prévus par la loi (article L. 235-1 alinéa 1er du Code de commerce). Or l’article L. 227-3 ne sanctionne pas l’inobservation de la règle de l’unanimité par la nullité. La seule sanction d’une transformation décidée ainsi serait la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants par les porteurs, qui devront en conséquence démontrer leur préjudice.

Communication Ansa, comité juridique n° 20-039 du 7 octobre 2020

Le 15 mai 2014, une salariée de l’entreprise Petit Bateau a été licenciée pour faute grave. Elle avait publié une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015 de la marque alors que celle-ci venait d’être présentée exclusivement aux commerciaux le jour-même. Elle conteste son licenciement.

La salariée estime notamment que l’employeur ne peut accéder aux informations d’un compte Facebook de l’un de ses salariés sans y avoir été autorisé, et qu’il ne peut porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée. Elle demande ainsi à ce que les preuves apportées soient jugées irrecevables.

La Cour considère que le fait qu’une autre salariée envoie la publication litigieuse n’est pas un stratagème de l’employeur portant atteinte au principe de loyauté dans l’administration de la preuve. Elle ajoute que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, si cette production est indispensable et l’atteinte proportionnée au but poursuivi. Ainsi, si la production d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée porte atteinte à sa vie privée, la Haute Cour confirme l’arrêt de la Cour d’appel qui juge que l’atteinte est justifiée par la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité des affaires.

Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-12.058