Créés par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi et supprimés par l’ordonnance du 22 septembre 2017, les accords de mobilité interne permettaient d’organiser la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise, sans projet de réduction d’effectifs.

Par plusieurs arrêts du 2 décembre 2020, la Cour de cassation consacre le caractère autonome du licenciement pour motif économique prononcé dans ce cadre. En d’autres termes, le licenciement prononcé en raison du refus du salarié de l’application de l’accord à son contrat n’a pas à être justifié par les motifs économiques visés par l’article L. 1233-3 du Code du travail (difficultés économiques, mutation technologique, etc.).

La Cour précise cependant que le licenciement n’est en pas pour autant exempt de tout contrôle. En l’occurrence, les juges doivent vérifier la conformité de l’accord aux exigences légales liées à sa conclusion ainsi que l’existence des nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise justifiant sa mise en œuvre.

Cette solution pourrait être transposée aux accords de performance collective : si le motif du licenciement est un motif personnel sui generis, il n’en reste pas moins que l’accord doit être justifié par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise et/ou être mis en place pour développer ou préserver l’emploi.

Dès lors, il est loisible de considérer, au regard de la décision rendue, que les juges pourront être amenés à vérifier que les motifs de recours à l’APC sont remplis, outre le respect de ses conditions de conclusion (pouvoir des signataires, etc.).

Ce d’autant que le Conseil constitutionnel, saisi sur la loi de ratification des ordonnances Macron, avait précisé que la pertinence des motifs de l’APC pouvait être contestée devant les juges (CC 21 mars 2018, n° 2018-761 n° 27).

Cour de cassation, chambre sociale, 2 décembre 2020, pourvois nos 19-11.986 à 19-11.994, Publié, Inscrit au rapport annuel

Le cabinet Cloix & Mendès-Gil reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires.

Dans le prolongement de l’article 172 de la loi n°2019-1428 du 29 décembre 2019 autorisant le transfert de gestion des « petites lignes » (ou lignes de desserte fine du territoire), le décret n°2020-1820 du 29 décembre 2020 a fixé les modalités de la mise à disposition du personnel auprès de l’entreprise utilisatrice.

  • Comment sont déterminés les salariés mis à disposition ?

La SNCF détermine le nombre de salariés mis à disposition à partir de l’équivalent en emplois à temps plein (ETP) des salariés de droit privé, sur la base des effectifs des 6 derniers mois.

Pour déterminer ce nombre, un ratio doit être calculé entre le temps de travail consacré aux missions concernées par le transfert, incluant le temps de trajet entre le lieu principal d’affectation et le lieu de prise de service, et le temps de travail total des salariés.

Ce mode de calcul rappelle en partie celui fixé en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public conduisant à un transfert du personnel (en particulier pour les catégories 2 et 3).

Lorsque le transfert de gestion recueille l’avis du ministre des transports, l’AOT doit préciser dans un délai de 2 mois à compter de la transmission des informations sur le nombre d’ETP transféré, le nombre définitif de salariés (en ETP) dont elle sollicite la mise à disposition.

Lorsque cette demande de mise à disposition ne porte pas sur la totalité des missions transférées, elle doit préciser la répartition des catégories de missions concernées et, pour chacune d’elles, le nombre de salariés (en ETP) dont elle sollicite la future mise à disposition.

  • Les salariés peuvent-il refuser d’être mis à disposition ?

La mise à disposition est facultative et les salariés disposent d’un délai de 2 mois à compter de sa notification pour l’accepter.

En cas de refus ou d’absence de réponse au terme de ce délai, le contrat de travail se poursuit sur le même poste de travail ou sur un poste équivalent au sein de la société dans laquelle ils exerçaient, ou à défaut, lorsque les règles applicables aux salariés le permettent, sur un poste équivalent dans l’une des sociétés du groupe public ferroviaire.

  • Comment s’organise la mise à disposition ?

En premier lieu, la convention de transfert de gestion signée entre la SNCF et l’autorité organisatrice doit contenir un certain nombre d’informations prévues par le décret, comme le nombre de salariés par catégories de missions ainsi que les conditions de la mise à disposition (article 16 V).

En deuxième lieu, la mise à disposition doit respecter les conditions légales fixées par l’article L. 8241-2 du Code du travail (signature d’une convention de mise à disposition, d’un avenant au contrat de travail du salarié, etc.) ainsi que, le cas échéant, les règles particulières de mise à disposition au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local.

  • Quel est le statut des salariés pendant la mise à disposition ?

Pendant la mise à disposition, les salariés sont soumis aux conditions de travail applicables au sein de l’entreprise utilisatrice (durée du travail, santé et sécurité notamment).

En revanche, les salariés conservent le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont ils auraient bénéficié s’ils avaient exécuté leur travail au sein de la SNCF (article L. 8241-2 du Code du travail). La conservation du statut collectif de l’entreprise d’origine s’explique par l’absence de rupture ou de suspension de leur contrat de travail.

  • Comment s’organise le terme de la mise à disposition ?

La mise à disposition prend fin au terme prévu ou de manière anticipée dans les conditions fixées par la convention de mise à disposition et l’avenant au contrat de travail signés entre les parties.

Les modalités de fin de mise à disposition fixées par le décret sont de prime abord surprenantes.

En effet, il est prévu que les salariés doivent retrouver leur poste de travail ou un poste équivalent au sein de l’une des sociétés du groupe public ferroviaire, en tenant compte de leur évolution de carrière ou de rémunération ainsi que du lieu de résidence.

Ainsi, plutôt que de privilégier une reprise de poste dans l’entreprise, le décret favorise une reprise de poste au sein des autres sociétés du groupe public ferroviaire.

Cela étant, le décret laisse aux salariés l’opportunité de refuser de reprendre un poste dans l’une des sociétés du groupe public ferroviaire. Dans ce cas, ils retrouveront nécessairement leur poste de travail antérieur ou, à défaut, un poste équivalent au sein de la société dans laquelle ils exerçaient.

In fine, les conditions de la mise à disposition dans le cadre du transfert de gestion des lignes de desserte fine du territoire ont le mérite d’être précisément fixées. Si les salariés savent donc à quoi s’attendre, l’absence de garanties sur la reprise de leur ancien poste de travail n’est pas très incitative.

Dans un arrêt du 10 décembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé que des apports en capital sont susceptibles de constituer des ressources publiques imputables à l’État et donc, des aides d’État. Elle clarifie par ailleurs la charge de la preuve du critère de l’investisseur privé.

La société SEA, gestionnaire de deux aéroports milanais, était entre 2002 et 2010 détenue presque exclusivement par des autorités publiques dont la ville de Milan. En 2002, SEA a créé une filiale (SEA Handling) chargée de fournir des services d’assistance en escale aux deux aéroports et dont elle détient la totalité du capital. Entre 2002 et 2010, la filiale a reçu de sa société mère 359 644 000 euros de subventions sous forme d’apports en capital versés annuellement, pour couvrir un total de 339 784 000 euros de pertes d’exploitation.

Le 19 décembre 2012, la Commission européenne a ordonné à la République italienne de se faire rembourser les sommes perçues par la filiale, au motif qu’il s’agissait d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur aux termes de l’article 107 TFUE. Le 13 décembre 2018, le Tribunal de l’Union européenne a confirmé cette décision. La ville de Milan a saisi la Cour de justice qui, le 10 décembre 2020, a confirmé la position de la Commission et du Tribunal.

Parmi les critères d’identification d’une aide d’État, figure entre autres l’existence d’un avantage accordé, directement ou indirectement, au moyen de ressources d’État, imputable à une autorité publique.

En l’espèce, sur la base d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel la mesure est intervenue, la Commission et le Tribunal ont estimé que des ressources publiques avaient bien été utilisées pour réaliser les apports en capital.

En effet, la quasi-intégralité des parts sociales de la société mère étant détenue par des autorités publiques, ces apports étaient imputables à l’État italien.

Les « indices positifs » rapportés par la Commission ont permis d’admettre une implication mais également une improbabilité d’absence d’implication de la ville de Milan dans l’adoption des mesures litigieuses. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, est pertinent tout indice indiquant, ou bien une implication des autorités publiques ou l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption d’une mesure, ou bien l’absence d’implication desdites autorités dans l’adoption de ladite mesure (CJUE, 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, point 33).

La Cour rejette ainsi les arguments de la ville de Milan qui estimait que la Commission et le Tribunal s’étaient uniquement fondés sur des éléments « négatifs » constitutifs d’une improbabilité.

S’agissant du critère de l’investisseur privé en économie de marché, la charge de sa preuve reste assez floue.

La jurisprudence a développé un standard – le critère de l’investisseur privé en économie de marché – imposant de vérifier si, dans le cadre d’une opération étatique, la mesure examinée aurait pu être adoptée, dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché, par un opérateur privé se trouvant dans une situation analogue à celle de l’État. Si cet opérateur aurait apporté un montant égal à celui de l’investisseur public, il ne s’agit pas d’aides d’État. À l’inverse, si aucune rentabilité à venir, même à long terme, ne se dégage de l’opération, l’opérateur privé n’aurait pas pris une telle mesure. La mesure constitue une aide d’État.

S’inscrivant dans la suite d’un arrêt du 26 mars 2020 (CJUE, 26 mars 2020, Larko c/ Commission, C-244/18 P), la Cour rappelle que c’est sur la Commission que pèse la charge de prouver que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies (point 110). Cette preuve ne peut pas se limiter à des présomptions négatives fondées sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à une conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage. Seuls sont pertinents les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision d’investissement a été prise. Il incombe à la Commission de demander à l’État concerné toutes informations pertinentes pour l’examen du critère de l’investisseur privé.

Elle rappelle également que le Tribunal doit s’assurer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste dans ses appréciations économiques complexes.

En l’espèce, la Commission a rempli son obligation en déterminant que le critère de l’investisseur privé n’était pas rempli. Alors que la SEA s’était engagée à compenser pendant au moins 5 ans les éventuelles pertes de sa filiale, aucun investisseur privé n’aurait continué d’investir à perte sur une si longue période « sans évaluation préalable appropriée de la rentabilité ou de la rationalité économique de tels investissement ». La Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

CJUE, 10 décembre 2020, Comune di Milano c/ Commission, aff. C-160/19 P.

Dans un arrêt du 19 février dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes vient de fournir une illustration des hypothèses de suspension / interruption des délais de procédure, appliquée au délai de la garantie de parfait achèvement, dans le cadre d’un marché public de fourniture et de pose d’une citerne au SIAEP (Syndicat Intercommunal d’Adduction d’Eau Potable) de Chailland.

Dans une décision du 20 novembre 2020, faisant directement application des articles 2239, 2241 et 2242 du Code civil, le Conseil d’État avait jugé qu’il résulte de ces dispositions :

  • d’une part, que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu’à l’extinction de l’instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu’à la remise par l’expert de son rapport au juge ;
  • d’autre part, que la suspension de la prescription, en application de l’article 2239 du Code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, le cas échéant faisant suite à l’interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de cette mesure et ne joue qu’à son profit, et non, lorsque la mesure consiste en une expertise, au profit de l’ensemble des parties à l’opération d’expertise, sauf pour ces parties à avoir expressément demandé à être associées à la demande d’expertise et pour un objet identique (CE, 20 novembre 2020, req. n° 432678).

La Cour administrative d’appel de Nantes a fait une application de cette jurisprudence en matière de suspension du délai de garantie de parfait achèvement. En l’espèce, les travaux d’installation de la citerne ont été réceptionnés sans réserve le 10 avril 2015, point de départ du délai d’un an de mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement. La citerne a été réceptionnée sans réserve le 10 avril 2015, puis elle s’est éventrée le 4 juillet 2015.

La saisine du juge des référés par le SIAEP afin de voir désigner un expert, le 31 mars 2016, a interrompu le délai de la garantie de parfait achèvement. Le délai de cette garantie a recommencé à courir le 12 mai 2016, date à laquelle le Tribunal a rendu son ordonnance désignant un expert. Il s’est trouvé suspendu jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, le 18 juillet 2017. Le SIAEP a alors engagé une action indemnitaire recherchant la responsabilité de l’entreprise devant le Tribunal le 28 décembre 2017, en invoquant la responsabilité contractuelle. Il a précisé le fondement de sa demande par courrier enregistré au greffe du tribunal le 18 janvier 2018, puis, par un mémoire enregistré le 15 avril 2019, le SIAEP s’est expressément prévalu de la garantie de parfait achèvement.

La Cour juge que le deuxième alinéa de l’article 2239 du Code civil disposant que le délai de prescription suspendu « recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. », le délai de la garantie n’expirait que le 18 janvier 2018 et a donc été de nouveau interrompu lorsque le SIAEP a invoqué la responsabilité contractuelle de la société.

Par ailleurs, l’article 2242 du Code civil précisant que « L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. » et la garantie de parfait achèvement reposant sur le même fondement juridique que la responsabilité contractuelle, le SIAEP était encore recevable à invoquer la garantie de parfait achèvement lorsqu’il l’a explicitement citée dans son mémoire enregistré au greffe du TA le 15 avril 2019.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Ch. n’est pas fondée à soutenir que le SIAEP ne pouvait plus se prévaloir de la garantie de parfait achèvement.

CAA Nantes, 19 février 2021, requête n° 20NT01602

En matière de travaux publics, la position du Tribunal des conflits parait bien établie : « Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé » (TC, 24 novembre 1997, n° 03060). Tout litige entre les participants à la réalisation des travaux relève du juge judiciaire dès lors qu’ils sont unis par un contrat de droit privé.

Pour autant, bien que confirmant l’énoncé de principe de sa jurisprudence, le Tribunal des conflits vient d’y apporter une légère nuance.

Le juge administratif est compétent si le litige porte sur les conditions d’exécution d’un marché public, même lorsque les parties sont unies par un contrat de droit privé.

Un établissement public hospitalier a conclu un marché public de travaux avec un groupement d’entreprises. Des dommages ayant été causés aux bâtiments voisins, l’exécution du marché a été interrompue. L’une des sociétés membre du groupement a engagé une action en responsabilité contre les autres constructeurs devant le juge judiciaire afin d’obtenir réparation de ses propres préjudices. Le Tribunal de grande instance de Nice a décliné la compétence du juge judiciaire. Par la suite, le Tribunal administratif de Nice a également été saisi d’actions en responsabilité des autres constructeurs membres du groupement, pour obtenir réparation du préjudice subi en raison de fautes commises dans l’exécution du marché. Ayant estimé que le litige ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative, le Tribunal administratif a renvoyé l’affaire au Tribunal des conflits.

Le Tribunal considère que « Alors même que les deux cotraitants sont par ailleurs liés par un contrat de droit privé, un tel litige, qui ne concerne pas l’exécution de ce contrat de droit privé et qui implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté, relève de la juridiction administrative ».

Cet arrêt ne constitue pas un revirement de jurisprudence mais il apporte une précision utile à un contentieux qui fait souvent naître des incertitudes quant au juge compétent.

Pour déterminer le juge compétent en matière d’actions en responsabilité engagées entre les participants à l’exécution de travaux publics, il faut se rapporter à l’objet du litige : s’agit-il de mettre en cause les conditions d’exécution du contrat de droit privé qui lie les participants entre eux ou celles du marché public ?

Dans le 1er cas, le juge judiciaire sera compétent, dans le second, ce sera le juge administratif, même si les participants sont par ailleurs liés entre eux par un contrat de droit privé.

Tribunal des conflits, 8 février 2021, n° C4203

Dans un arrêt du 8 février 2021, le Tribunal des conflits a jugé que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à une rupture brutale des relations commerciales trouvant son origine dans un contrat administratif.

Une société réalisant des prestations au bénéfice de l’établissement public SNCF Réseau avait saisi le Tribunal de commerce de Paris d’une action dirigée contre SNCF Réseau et la SNCF tendant à la réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les deux entités. La question de compétence a cependant été soulevée devant le Tribunal des conflits.

Le Tribunal, qualifiant le contrat litigieux de contrat administratif, juge que la demande d’une société tendant à obtenir réparation d’un préjudice subi du fait de la rupture brutale d’une relation commerciale antérieurement établie, lorsque le demandeur et l’auteur de la rupture étaient liés par un contrat administratif, est relative à la cessation de la relation contractuelle résultant de ce contrat administratif.

La circonstance que la société se prévaut du régime de responsabilité pour pratique restrictive de concurrence (art. L. 442-1 du Code de commerce) est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative.

Tribunal des conflits, 8 février 2021, n° C4201

Le 10 février 2021, le Premier Ministre a présenté au Conseil des ministres un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

L’article 15 du projet, dédié aux marchés publics, concrétise une mesure proposée par la Convention citoyenne pour le climat visant à « renforcer les clauses environnementales dans les marchés publics » (proposition PT7.1, lien).

Modifiant certaines dispositions du Code de la commande publique, l’article 15 impose aux acheteurs publics de prendre en compte, dans les marchés publics, les considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures achetés, dans leur attribution et leur exécution. A ce stade, les contrats de concession et les marchés de défense ou de sécurité sont exclus du dispositif.

Le projet de loi prévoit que l’insertion dans les marchés publics de clauses faisant référence à l’aspect environnemental des prestations, qui n’est actuellement qu’une faculté offerte à l’acheteur public, serait rendue obligatoire, par exemple par des spécifications techniques ou des conditions d’exécution particulières (modification du second alinéa de l’article L. 2112-2 du CCP).

Le projet impose qu’au moins un des critères d’attribution du marché prenne en compte des « caractéristiques environnementales de l’offre » (modification du premier alinéa de l’article L. 2152-7 du CCP). Cette prise en compte de considérations environnementales dans le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse impliquerait ainsi l’impossibilité de recourir au critère unique du prix.

Le Conseil d’État a rendu, le 4 février 2021, un avis favorable sur ce projet de loi.

Pour le Conseil d’État, l’obligation imposée par la modification de l’article L. 2112-2, « alors que la prise en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations demeure facultative, ne crée pas de hiérarchie entre ces différentes considérations ni n’instaure une prééminence de celles tirées de la protection de l’environnement sur les autres ». Cette obligation permet de préserver « au même titre » que celles environnementales, les considérations précitées, notamment sociales ou économiques.

S’agissant des modifications de l’article L. 2152-7, le Conseil d’État souligne qu’elles « ne sauraient avoir pour effet de déroger à l’exigence du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni à la condition que les critères d’attribution soient objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, le respect de ces règles étant imposé par les directives européennes […] et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

Si le Conseil d’État ne relève aucune « objection d’ordre juridique » à l’exclusion des marchés de défense ou de sécurité, l’exclusion des contrats de concession « soulève plus d’interrogations en termes d’opportunité et de cohérence ». Il estime qu’il serait préférable d’étendre ces obligations aux concessions, qui sont fréquemment passées « dans des secteurs, tels ceux du transport ou de l’assainissement, où la prise en compte des considérations environnementales est particulièrement pertinente ». Le Conseil d’État regrette que cette exclusion « a pour effet de ne pas appliquer les nouvelles obligations à des contrats dont un risque d’exploitation est certes transféré à l’opérateur économique, mais dont l’objet peut être similaire à celui de marchés publics qui, eux, y seront soumis ».

Il admet toutefois cette possibilité dans la mesure où, « le plus souvent, des réglementations particulières imposent le respect de l’environnement dans les secteurs précités et que la réforme pourra être étendue aux concessions après qu’en auront été mesurés les effets sur les marchés publics ». Le gouvernement est cependant invité à justifier cette exclusion, dont les incidences devraient être incluses dans l’étude d’impact du projet de loi.

Projet de loi n° 3875

Elle comporte un article 132 réformant le Code de la commande publique (CCP). Cette réforme est destinée à soutenir les opérateurs économiques dans le cadre du plan de relance de l’économie et à pérenniser certaines dispositions de simplification mises en place pendant l’état d’urgence sanitaire.

La Direction des affaires juridiques du MINEFI vient de publier une fiche précisant les mesures « commande publique » de la loi ASAP (https://www.economie.gouv.fr/daj/les-mesures-commande-publique-de-la-loi-dacceleration-et-de-simplification-de-laction-publique).

La loi ASAP comporte des mesures importantes, de nature à transformer durablement l’achat public, au-delà même de la période de crise sanitaire.

L’intérêt général est érigé en cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence (art. L. 2122-1 CCP). Les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement pourront quand même se porter candidates à un marché public.

Au sein de la deuxième et de la troisième partie du CCP, deux nouveaux Livres sont consacrés aux circonstances exceptionnelles.

Les hypothèses de modification des contrats de la commande publique sans nouvelle procédure de mise en concurrence sont simplifiées.

Mettant fin à une surtransposition de la directive de 2014 relative aux marchés, sont à présent exclus du champ d’application du CCP les marchés de services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ainsi que le conseil juridique fourni par un avocat en vue de la préparation de la procédure contentieuse.

Jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs peuvent conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes.

Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020

Le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire est assigné en paiement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou, subsidiairement, d’interdiction de gérer. Il conclut alors un protocole transactionnel avec le liquidateur judiciaire.

Dans cet accord, la société s’engageait à payer une indemnité transactionnelle et à abandonner des créances en contrepartie de la renonciation du liquidateur à poursuivre l’action en paiement de l’insuffisance d’actif contre le dirigeant, ainsi que les actions exercées pour l’annulation de certains actes, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, faillite personnelle et autres mesures d’interdiction.

L’accord transactionnel a été homologué par le Tribunal de commerce, mais le Ministère public a fait appel de cette décision en faisant valoir que les sanctions personnelles sont des droits indisponibles ne pouvant pas faire l’objet d’une transaction.

La Cour d’appel de Versailles a rejeté la demande d’homologation de la transaction, ce que confirme la Cour de cassation.

Il ressort de cet arrêt que si la transaction peut mettre fin à l’instance en paiement de l’insuffisance d’actif, elle ne peut avoir pour objet de faire échec, moyennant le paiement d’une certaine somme et l’abandon de créances, aux actions tendant au prononcé d’une sanction professionnelle à l’encontre du dirigeant (faillite personnelle ou interdiction de gérer notamment). De telles mesures, de nature préventive et punitive, tendent à la protection de l’intérêt général et non pas à celle de l’intérêt collectif des créanciers.

Cour de cassation, chambre commerciale, 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-18.258 P+B