Premier article de Me Pierre-Manuel CLOIX sur le vaste sujet du développement de la Compliance au sein des personnes publiques, en particulier depuis la parution des recommandations de l’Agence Française Anticorruption.

A lire dans la Gazette des communes  https://www.lagazettedescommunes.com/744994/corruption-et-urbanisme-le-diable-se-cache-dans-les-details/

Par une décision du 5 mai 2021 (req. n° 429243), le Conseil d’Etat a rappelé que la législation relative à la procédure de création et de réalisation de ZAC était indépendante de celle de l’expropriation. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 123-2 du Code de l’environnement relatif aux enquêtes publiques applicables aux projets soumis à étude d’impact sont inopérants à l’encontre des déclarations d’utilité publique ou des arrêts de cessibilité.

Au surplus, le moyen était mal fondé, puisque l’article L. 123-2 précité dispose que les ZAC ne sont pas soumises à l’obligation de soumettre le projet à enquête publique au titre du Code de l’environnement. Comme l’a utilement souligné M. le Rapporteur public Olivier Fuchs dans ses conclusions sur cette affaire, il n’y a pas lieu de distinguer entre l’adoption du dossier de création et celle du dossier de réalisation de la ZAC, bien que l’article L. 123-2 ne le précise pas.

Dans le cadre d’une saisine pour avis, le Conseil d’État a très récemment répondu à une question portant sur l’application de la règle de la décision préalable à des recours dirigés contre des personnes morales de droit privé.

Rappelons que depuis le décret Jade du 2 novembre 2016 qui a réformé le code de justice administrative et notamment son article R. 421-1, l’exigence de liaison du contentieux, et donc la nécessité d’une décision préalable de l’administration, s’est également imposée en matière de litige de travaux publics.

Et l’une des deux questions posées au Conseil d’État dans la présente saisine portait précisément sur la question de savoir si les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative étaient applicables aux conclusions dirigées contre une personne morale de droit privé n'entrant pas dans le champ de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration.

En réponse, la juridiction suprême vient alors indiquer dans le présent avis que :

« Si les dispositions de l'article R. 421-1 n'excluent pas qu'elles s'appliquent à des décisions prises par des personnes privées, dès lors que ces décisions revêtent un caractère administratif, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne détermine les effets du silence gardé sur une demande par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif. Dans ces conditions, en l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ».

Conseil d’État, 27 avril 2021, n° 448467, Lebon

Après avoir été relaxé par le juge pénal, un requérant a souhaité obtenir réparation du préjudice né du procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme établi à son encontre.

Il a d'abord saisi le juge judiciaire pour rechercher la responsabilité personnelle de l'agent ayant dressé le procès-verbal. Néanmoins, par un arrêt définitif du 27 février 2020, la Cour d'appel de Nîmes a décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

Il a également saisi le juge administratif, en réparation du préjudice moral que lui avait occasionné la transmission de ce procès-verbal d'infraction au juge pénal.

La Cour administrative d'appel de Lyon se déclare également incompétente.

Elle précise ainsi que sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d'éventuelles conséquences dommageables de l'acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise l'autorité judiciaire dans un cadre pénal, dès lors que l'appréciation de cet avis n'est pas dissociable de celle que peut porter l'autorité judiciaire sur l'acte de poursuite ultérieur (voir TC, 8 décembre 2014, n°14-03974, Publié au bulletin).

La Cour souligne, en outre, que l'acte par lequel un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme a été dressé puis transmis à l'autorité judiciaire n'est pas dissociable de la procédure pénale ultérieure.

Dans ces conditions, en l'espèce, elle en déduit que le litige relevait de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Conformément à l'article 32 du décret ° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles, la Cour décide en conséquence de renvoyer la question de compétence au Tribunal des conflits et de surseoir à statuer jusqu'à sa décision.

CAA Lyon, 27 avril 2021, n°20LY02981

En premier lieu, un règlement de plan local d'urbanisme n'autorise que des constructions de type R+3+attique, les attiques ne devant toutefois pas être accessibles, sauf pour des raisons techniques et d'entretien.

En jugeant que ces dispositions du règlement devaient être comprises comme ayant seulement entendu interdire l'accès à la partie du toit qui sépare le haut de la façade de l'étage en retrait sauf pour des raisons techniques et d'entretien, et comme permettant que l'attique soit habitable, de sorte que le projet qui prévoit des appartements dans l'attique sans accès extérieur vers la zone de retrait ne méconnaît pas les règles applicables, le juge de première instance n'a ni dénaturé les faits et les pièces du dossiers, ni insuffisamment motivé son jugement, ni commis d'erreur de droit.

En deuxième lieu, ce même règlement prévoit que pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie ouverte à la circulation automobile, et que les accès doivent présenter certaines caractéristiques.

Ne commet pas d'erreur de droit le Tribunal qui juge que ces dispositions n'imposent pas que, lorsqu'un terrain est doté de plusieurs accès à une voie ouverte à la circulation automobile, les caractéristiques de chacun de ces accès soient conformes à ces règles, dès lors que l'un d'entre eux, au moins, est adapté aux exigences en résultant.

CE, 14 avril 2021, n°432546

Depuis 2012, le juge administratif vérifie qu’une opération déclarée d’utilité publique peut être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation (CE, 19 oct. 2012, n° 343070, Lebon T). Les annulations restent toutefois très peu nombreuses.

Par un arrêt du 8 avril 2021 (n° 19VE00169), la Cour administrative de Versailles a donné l’une des rares illustrations d’une annulation pour défaut d’utilité publique, en procédant à ce type de contrôle. La Cour vérifie à ce titre que les aménagements prévus peuvent être réalisés sur des parcelles appartenant à la commune sans méconnaitre le plan local d’urbanisme et sans remettre en cause l’existence d’un corridor écologique. L’arrêt précise aussi que cette modalité de contrôle peut être opérée parcelle par parcelle et donner lieu à une annulation partielle.

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Malgré les précisions apportées par les ordonnances Macron et l’abondance de la jurisprudence sur cette question, l’obligation de reclassement dans le cadre des licenciements économiques reste source de contestations.

Dans le dernier exemple en date, plusieurs salariés reprochaient à leur employeur de s’être borné à adresser aux autres sociétés du groupe un courrier listant les postes de travail supprimés, en mentionnant l’intitulé et la classification des postes, sans aucune indication concrète sur les salariés concernés.

La cour d’appel de Grenoble leur avait donné raison en jugeant que l’employeur aurait dû apporter des précisions sur le profil des salariés occupant les postes supprimés, à savoir leur âge, formation, expérience, qualification et ancienneté.

La Cour de cassation censure l’analyse et énonce au contraire que les recherches de postes disponibles « n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement ».

C’est donc bien à l’employeur qu’il appartient d’examiner l’adéquation des postes disponibles avec le profil de chaque salarié, comme le soulevait le pourvoi, et non pas aux sociétés du groupe qui peuvent se borner à communiquer la liste des postes disponibles.

Si le contenu du courrier est allégé, la recherche de reclassement pesant sur l’employeur ne l’est donc pas réellement.

Soc, 17 mars 2021, pourvoi n° 19-11.114, Publié, Inscrit au rapport annuel

La procédure de licenciement pour inaptitude impose d’adresser au salarié, avant la convocation à l’entretien, un courrier l’informant des motifs qui s’opposent à son reclassement (L.1226-12).

Lorsque la Société parvient à identifier des postes conformes, qu’elle les propose au salarié et que ce dernier les refuse, l’utilité de ce courrier supplémentaire laissait perplexe.

La Cour de cassation vient de clarifier ce point par un arrêt du 24 mars 2021 : cette obligation d’information ne s’applique pas lorsqu’une proposition de reclassement conforme a été refusée par le salarié.

Dans cette affaire la Cour d’appel avait débouté le Salarié de sa demande de dommages-et intérêts en considérant que les motifs justifiant l’impossibilité de reclassement figuraient déjà dans la lettre de licenciement.

Sans retenir le même raisonnement, la Cour de cassation rejette le pourvoi : cette obligation d’information préalable s’impose lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi. Lorsqu’au contraire il a proposé un emploi refusé, il n’a pas à informer le salarié des motifs qui s’opposent à son reclassement.

Une simplification bienvenue.

Soc, 24 mars 2021, pourvoi n° 19-21263, Publié

Depuis une décision du 17 octobre 2000 (n° 98-45.669), confirmée à plusieurs reprises (notamment Soc. 14 septembre 2005, n° 03-43.314), la Cour de cassation jugeait que l’assiette de calcul de la rémunération variable ne pouvait pas inclure les charges sociales patronales liées à cette rémunération.

La Cour estimait qu’à défaut, cela reviendrait à faire supporter aux salariés ces charges sociales, ce que prohibait l’article L. 241-8 du Code de la sécurité sociale.

Dans l’espèce commentée, le contrat de travail d’un salarié prévoyait une commission de 20 % de la marge nette de son secteur, laquelle marge nette était définie à partir de la marge brute déterminée et perçue par l’entreprise pour chaque produit vendu, après déduction de différents frais (voiture, téléphone, etc.) et d’un forfait au titre des charges sociales.

Au regard de sa jurisprudence constante, cette pratique aurait dû être censurée par la chambre sociale.

Cette dernière a toutefois décidé d’opérer un revirement de jurisprudence en validant la clause en question, considérant que « la détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L. 241-8 du Code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations ».

In fine, si les charges patronales liées au montant de la rémunération variable payé au salarié doivent rester à la charge de l’employeur, ces mêmes charges peuvent être déduites de l’assiette de calcul de la rémunération variable.

Les parties retrouvent donc leur liberté contractuelle dans la fixation des modalités de calcul de la rémunération variable. Reste à rédiger les clauses avec attention !

Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, Publié, Inscrit au rapport annuel