Deuxième volet de l’analyse de Me Pierre-Manuel CLOIX des effets de la Compliance sur l’activité des personnes publiques.

Ce thème est consacré aux modalités de versement de subventions à des acteurs économiques ou associatifs et met en lumière l’apport de la Compliance quant à la détection et la prévention des risques.

A retrouver sur la Gazette des Communes : Parce qu’un flux financier direct est par nature sujet à un examen particulier, le cas des versements de subventions incite à une approche prudentielle.

Un particulier a souscrit deux crédits à la consommation auprès d’un établissement prêteur, garantis par une assurance. L’emprunteur a fait l’objet d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement, qui a imposé des mesures de redressement, de sorte qu’il n’a versé aucun remboursement à la banque et l’assurance a, au titre de sa garantie invalidité, réglé à la banque les sommes dues pour la période concernée.

La banque a par la suite assigné l’emprunteur en remboursement du solde des prêts, ce dernier a opposé la forclusion de l’action de la banque, au motif que la régularisation d’un incident de paiement ne pouvait résulter du paiement fait par l’assureur de l’emprunteur.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, en précisant que « un paiement effectué par l’assureur, substitué à l’assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permet d’écarter l’existence d’un incident de paiement non régularisé ».

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 janvier 2021, pourvoi n°19-11.262

Dans cette espèce, rendue sous l’empire de la réglementation à domicile antérieure à la loi HAMON du 17 mars 2014, à la suite d’une prospection par téléphone ayant abouti à une prise de rendez-vous au domicile de particuliers, le représentant d’une société de panneaux photovoltaïques s’était déplacé au domicile du consommateur afin de prendre les mesures nécessaires à l’établissement d’un contrat. Ce n’est qu’hors la présence du vendeur que l’acquéreur-emprunteur a accepté et signé le bon de commande. Il convient de signaler que les acquéreurs signaient un contrat de crédit affecté, d’un montant identique à celui du bon de commande, quelque mois après la signature du contrat principal.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a considéré que la relation commerciale entre les parties avait débuté par un démarchage à domicile, caractérisé par la réception à domicile de proposition commerciales. La Cour d’appel a également précisé que le fait qu’il existe des pourparlers entre les parties, à la suite de la venue du vendeur au domicile des acquéreurs, ne permettait pas d’écarter la législation protectrice du démarchage à domicile.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa de l’article L.121-21 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi HAMON du 17 mars 2014, « en se déterminant ainsi, sans constater que le devis avait été accepté au domicile des consommateurs en présence du professionnel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ».

La position de la Cour de cassation est sans surprise mais n’était pas sans conséquence : en l’absence d’application des dispositions protections en matière de démarchage à domicile, les acquéreurs-emprunteurs ne pouvaient plus utilement, et opportunément, invoquer la classique violation des dispositions de l’article L.121-23 du Code de la consommation, et subséquemment, la nullité du contrat de crédit affecté.

La solution conserve toute valeur sous l’empire de la loi HAMON.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-18391

L’action en annulation des élections professionnelles doit être introduite dans un délai de 15 jours suivant cette élection. Toutefois, un syndicat qui demande l’annulation du protocole préélectoral est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée.

C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mai 2021, publié.

Cour de cassation, chambre sociale, 12 mai 2024, pourvoi n° 19-23.428 (extraits)

Mais sur le premier moyen

Énoncé du moyen

14. Le syndicat CGT des gérants non-salariés fait grief au jugement de déclarer irrecevable la demande d’annulation de l’élection professionnelle, alors « que si l’article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, fixe une date limite au-delà de laquelle la régularité de l’élection ne peut plus être contestée, il n’interdit pas de formuler le recours dès que l’irrégularité est apparue, même antérieurement à l’élection, en sorte que le syndicat était recevable à solliciter l’annulation de l’élection contestée ; qu’en jugeant le contraire, le tribunal a violé, par fausse application, l’article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article R. 2314-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause :

15. Il résulte de ce texte, qui prévoit que lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation, que celui qui saisit le tribunal d’instance, avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée.

16. Pour déclarer irrecevable la demande d’annulation des élections professionnelles qui se sont tenues en application du protocole d’accord préélectoral contesté, le tribunal d’instance relève que le délai pour contester la régularité de l’élection a commencé à courir à compter du 29 mai 2019 et que le syndicat, qui avait sollicité l’annulation de l’élection dans la déclaration au greffe du 13 mai 2019 alors que le délai pour une telle contestation n’était pas encore ouvert, n’a pas formé de demande d’annulation des élections entre le 29 mai 2019 et le 13 juin 2019.

17. En statuant ainsi, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé.

 

 

Le salarié inapte qui n’est pas reclassé, ni licencié a droit au versement de son salaire à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la visite médicale de reprise. En sus de son salaire, l’employeur doit lui verser les primes de treizième mois même si cette prime est conditionnée à la présence du salarié dans l’entreprise.

Cour de cassation, chambre sociale 05 mai 2021, pourvoi n° 19-22.456 (extraits)

Énoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement du treizième mois au titre des années 2013 à 2016 et de sa demande de complément d’indemnité de licenciement intégrant le treizième mois, alors « que le salarié inapte qui n’est ni reclassé ni licencié a droit au paiement du salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail comprenant l’ensemble des éléments constituant cette rémunération ; que pour débouter le salarié de sa demande au titre de la prime de treizième mois, la cour d’appel a retenu que n’étant pas présent au sein de l’entreprise pour les années 2014 jusqu’à son licenciement notifié le 21 juin 2016, il ne pouvait prétendre à la prime de treizième mois ; qu’en statuant ainsi, quand le défaut de reclassement par l’employeur ne pouvait s’assimiler à une absence du salarié et quand en toute hypothèse ce dernier pouvait prétendre à l’intégralité de la rémunération qu’il percevait avant le constat de son inaptitude, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-4 du Code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 1226-4 du Code du travail :

7. Selon ce texte, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.

8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement du treizième mois au titre des années 2013 à 2016 et de sa demande de complément d’indemnité de licenciement intégrant le treizième mois, l’arrêt retient qu’il a perçu sa prime de treizième mois en 2013 prorata temporis et que, n’étant pas présent au sein de l’entreprise pour les années 2014 jusqu’à son licenciement notifié le 21 juin 2016, il ne peut prétendre à la prime de treizième mois.

9. En statuant ainsi, alors que le salaire correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, et au paiement duquel l’employeur est tenu en application de l’article L. 1226-4 du Code du travail, comprend l’ensemble des éléments constituant la rémunération, notamment le treizième mois, qu’il aurait perçus s’il avait travaillé, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

L’augmentation des fonctions et responsabilités d’un salarié non assortie d’une augmentation de sa rémunération ne saurait caractériser un manquement de l’employeur dès lors que le salarié y a expressément consenti.

Cour de cassation, chambre sociale, 05 mai 2021, pourvoi n° 19-22.890 (extraits)

Énoncé du moyen

6. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié la somme de 40 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, alors « que l’augmentation des fonctions et responsabilités d’un salarié non assortie d’une augmentation de sa rémunération ne saurait caractériser un manquement de l’employeur dès lors que le salarié y a expressément consenti ; qu’en reprochant à la société Hôpital privé [Localité 1] de ne pas avoir fait bénéficier le salarié d’une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités qui lui avaient été confiées en 2009, lorsqu’il était constant et non contesté que le salarié avait expressément consenti à la modification de son contrat de travail en 2009, la Cour d’appel a violé l’article 1134 devenu les articles 1103 et suivants du Code civil, les articles L. 1221-1 du Code du travail et l’article 1184 du Code civil devenu les article 1224 et suivants du même Code. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134, devenu 1103, du Code civil :

7. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

8. Pour condamner l’employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt retient que son salaire n’a pas évolué lorsqu’il est devenu en 2009 directeur de soins infirmiers et que la non-attribution d’une augmentation de salaire en rapport avec les fonctions et les responsabilités confiées caractérise un manquement contractuel grave de la part de l’employeur.

9. En statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que le salarié avait accepté en 2009 la modification de son contrat de travail, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles, a violé le texte susvisé.

Dans un arrêt du 2 avril dernier, le Conseil d’État apporte des précisions utiles quant à la date à laquelle un plan local d’urbanisme portant sur un territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale entre en vigueur.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 153-23 du Code de l’urbanisme (ancien article L. 123-12) : « Lorsque le plan local d’urbanisme porte sur un territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, il est exécutoire dès lors qu’il a été publié et transmis à l’autorité administrative compétente de l’État dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du Code général des collectivités territoriales ».

Les articles R. 153-20 et R. 153-21 (anciennement R. 123-24 et R. 123-25) prévoient, quant à eux, que la délibération approuvant un plan local d’urbanisme doit faire l’objet d’un affichage pendant un mois, lequel affichage devant être mentionné de manière apparente dans un journal diffusé dans le département.

Au vu de l’ensemble de ces dispositions, l’arrêt du 2 avril dernier a été l’occasion pour la juridiction suprême de clarifier le moment à partir duquel un plan local d’urbanisme d’un territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale devient exécutoire.

En l’espèce, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille dont il était demandé l’annulation au Conseil d’État, avait précisément censuré le jugement du Tribunal administratif estimant que le plan local d’urbanisme sur le fondement duquel le Tribunal avait annulé un permis de construire et un permis modificatif n’était pas encore entré en vigueur à la date du permis initial.

Saisi de l’affaire, le Conseil d’État, après avoir rappelé que « dans les communes couvertes par un schéma de cohérence territoriale approuvé, la délibération approuvant un plan local d’urbanisme entre en vigueur dès lors qu’elle a été publiée et transmise au représentant de l’État dans le département », en conclut que cette délibération « est ainsi exécutoire à compter de la date la plus tardive entre la date de publication et la date de transmission au représentant de l’État ».

Il indique de surcroît que, dans une telle hypothèse, le respect de la durée d’affichage de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme et le respect de l’obligation d’information par voie de presse, qui ressortent des dispositions des anciens articles R. 123-24 et R. 123-25 (actuels articles R. 153-20 et R. 153-21), « sont sans incidence sur la détermination de la date d’entrée en vigueur du plan local d’urbanisme ».

Tirant les conséquences au cas précis de cette clarification quant au caractère exécutoire d’un plan local d’urbanisme, le Conseil d’État estime que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que le plan local d’urbanisme n’était pas entré en vigueur à la date du permis initial dans la mesure où la période d’affichage d’un mois n’était pas encore achevée.

Il souligne à cet effet que la commune en cause était bien couverte par un schéma de cohérence territoriale approuvé et qu’il n’était pas contesté que la délibération approuvant le plan local d’urbanisme avait bien été affichée et transmise au représentant de l’État à la date du permis de construire initial, autant d’éléments suffisants à la rendre exécutoire.

Conseil d’État, 2 avril 2021, n° 427736, Tables Lebon

 

Après une adoption par les deux chambres à l’issue d’une seule lecture et une décision du Conseil constitutionnel en date du 15 avril 2021 la déclarant conforme à la Constitution, la loi organique n° 2021-467 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution a été publiée au Journal officiel du 20 avril 2021.

Rappelons qu’aux termes de l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».

Introduit par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, ce dispositif a été relativement peu mis en œuvre depuis lors : seulement quatre expérimentations en quinze ans, notait le Conseil d’État dans son avis du 16 juillet 2020 sur le projet de loi organique.

Le projet de loi organique relatif aux expérimentations, déposé le 29 juillet 2020, avait donc clairement pour ambition de simplifier la procédure et de rendre plus attractif le recours aux expérimentations en modifiant les articles LO1113-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales.

Dans cette perspective, la loi du 19 avril 2021 tend, d’une part, à alléger la procédure au terme de laquelle les collectivités territoriales peuvent participer à des expérimentations et, d’autre part, à élargir les issues qui peuvent être données à celles-ci.

S’agissant en premier lieu des aspects procéduraux, rappelons qu’auparavant une fois le cadre de l’expérimentation défini par la loi, les collectivités territoriales qui remplissaient les conditions requises pouvaient demander à y participer par le biais d’une délibération motivée de leur assemblée délibérante.

La demande était alors transmise au préfet qui l’adressait à son tour au ministre chargé des collectivités territoriales.

Pour conclure, le gouvernement vérifiait que les conditions légales étaient bien remplies et publiait par décret la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation.

Ce dispositif était immanquablement source de lenteur dans la mesure où, comme le soulignait le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi organique, des mois pouvaient séparer la publication de la loi ou du règlement national autorisant une expérimentation de la publication de la liste des collectivités autorisées à participer (Conseil d’État, Assemblée générale, 16 juillet 2020, Avis sur un projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, n° 400490).

Dans son objectif de simplification, la loi du 19 avril 2021 met donc un terme à ce régime d’autorisation préalable en supprimant l’approbation par décret, auparavant nécessaire.

Désormais, toute collectivité territoriale qui remplit les conditions peut décider d’y participer par délibération de son assemblée délibérante, laquelle délibération doit simplement être publiée à titre d’information au Journal officiel (article 2 de la loi n° 2021-467 du 19 avril 2021).

On notera néanmoins que le représentant de l’État peut assortir un recours dirigé contre cette délibération d’une demande de suspension, laquelle délibération cesse alors en principe de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué (article 4 de la loi n° 2021-467 du 19 avril 2021).

Dans la même optique, tandis qu’auparavant l’entrée en vigueur des normes locales expérimentales était subordonnée à leur publication au Journal officiel, la loi du 19 avril 2021 indique dorénavant qu’il s’agit d’une simple publication à titre d’information.

S’agissant en second lieu de l’issue qui peut être donnée aux expérimentations, dans son avis sur le projet de loi organique, le Conseil d’État avait bien mis en évidence le fait qu’outre la lourdeur de la procédure, le « caractère binaire » de l’issue des expérimentations en réduisait également l’intérêt.

Auparavant, deux choix s’offraient principalement : « abandon ou généralisation des mesures expérimentales à toutes les collectivités de la même catégorie ».

La possibilité d’une prolongation ou d’une modification de l’expérimentation pour une durée qui ne pouvait dépasser trois ans était également prévue.

A ces issues possibles, la loi du 19 avril 2021 ajoute en particulier la possibilité de maintenir les « mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation, ou dans certaines d’entre elles, et leur extension à d’autres collectivités territoriales, dans le respect du principe d’égalité » (article 6 de la loi n° 2021-467 du 19 avril 2021).

L’avenir nous dira si les modifications apportées par la loi du 19 avril 2021 permettent aux expérimentations sur le fondement de l’article 72 alinéa 4 de la Constitution d’être davantage mises en œuvre.

Loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, JORF n° 0093 du 20 avril 2021

Par un arrêt du 13 avril 2021, le Conseil d’État est venu préciser au sujet d’un organisme privé chargé d’une mission de service public quels documents, d’ordre financier notamment, étaient communicables en vertu de l’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration.

En vertu de cet article : « sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ».

Et aux termes de l’article L. 300-2 du même Code : « sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. (…) ».

A ce titre, de tels documents sont donc couverts par le droit d’accès aux documents administratifs.

Dans de précédentes affaires, le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion d’indiquer que « s’agissant des documents détenus par un organisme privé chargé d’une mission de service public, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public constituent des documents administratifs communicables en vertu de l’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions de l’article L. 311-6 de ce Code et notamment du respect des secrets protégés par la loi » (Conseil d’État, 7 juin 2019, n° 422569, Tables Lebon ; dans le même sens, voir également : Conseil d’État, 17 avril 2013, n° 342372, Tables Lebon).

Partant de cette prémisse, l’arrêt du 13 avril a permis au Conseil d’État d’en faire application s’agissant des comptes d’un organisme privé chargé d’une mission de service public, en l’occurrence la Fédération française de karaté et disciplines associées.

Dans cette perspective, la juridiction suprême a indiqué que « si les comptes d’un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l’organisme ne constituent des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu’elles retracent présentent par elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public ».

Au cas précis, le Conseil d’État a estimé que le jugement du tribunal était entaché d’erreur de droit dans la mesure où ce dernier n’avait pas recherché s’il existait un lien suffisamment direct entre les opérations retracées par certains des documents demandés et la mission de service public ; et cela, alors même que la Fédération arguait du fait qu’elle exerçait également des activités privées.

Conseil d’État, 13 avril 2021, n° 435595, Tables Lebon

Dans une récente espèce, le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à sa clôture. Dans tous les cas, il lui appartient de prendre connaissance de cette pièce nouvelle afin de prendre sa décision quant à l’éventuelle réouverture de l’instruction. Le cas échéant, s’il décide de tenir compte de cette nouvelle pièce, il rouvre alors l’instruction et soumet la production au débat contradictoire.

Dans ce cadre, l’on savait déjà que lorsque « cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision » (Conseil d’État, 5 décembre 2014, n° 340943, Lebon).

Et dans la présente espèce, le Conseil d’État en vient à souligner que lorsque les éléments produits à l’issue de la clôture permettent d’attester du caractère exécutoire d’un acte règlementaire, notamment au regard des exigences de l’article L. 2131-1 du Code général des collectivités territoriales, le juge ne peut régulièrement s’abstenir d’en tenir compte « et retenir que l’acte règlementaire n’était pas opposable au motif de son absence de caractère exécutoire ».

Conseil d’État, 1er avril 2021, n° 435629, inédit au recueil