Depuis le 1er janvier 2016, de nouvelles catégories de destination ont été créées en droit de l’urbanisme.

Ainsi, l’ancien article R.123-9 du Code de l’urbanisme mentionnait une liste de neuf destinations, dont celle de commerce et celle d’artisanat.

Désormais, les nouveaux articles R. 151-27 et R. 151-28 du même Code ne prévoient plus que cinq destinations, divisées en sous-destinations. En particulier, la destination « commerce et activités de service » intègre désormais une sous-destination « artisanat et commerce de détail ».

Cependant, l’article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du Code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme prévoit que « Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du Code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 ».

La question se pose donc de savoir si, dans le cadre d’un PLU faisant toujours application de l’ancien article R. 123-9 du Code de l’urbanisme, les changements de destination d’une construction existante doivent s’apprécier au regard des anciennes catégories de destination ou des nouvelles.

C’est à cette question que répond la Cour administrative d’appel de Paris.

Dans cette affaire, la Ville de Paris s’était opposée à une déclaration préalable déposée en vue de la transformation d’un commerce de boucherie en supérette, avec modification des façades.

Tenant compte de ce que son PLU avait été mis en révision avant 2016, elle estimait que cette demande relevait d’un permis de construire, car elle entraînait un changement de destination entre les destinations artisanat et commerce, telles qu’elles étaient définies par l’ancien article R. 123-9 du Code de l’urbanisme.

La Cour rejette cet argument.

En premier lieu, elle rappelle que l’actuel article R. 421-14 du Code de l’urbanisme ne vise que les nouvelles catégories de destination, en renvoyant aux articles R. 151-27 et R. 151-28 :

« Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : […] c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 »

En second lieu, elle écarte la possibilité de se fonder sur l’ancienne rédaction de cet article R. 421-14, qui renvoyait aux anciennes catégories de destination de l’article R. 123-9.

Elle estime en effet qu’il résulte des termes mêmes de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 qu’il ne concerne que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme, et non le maintien en vigueur des anciennes dispositions de l’article R. 421-14 relatives aux autorisations d’urbanisme.

En conséquence, selon la Cour, l’existence d’un changement de destination doit s’apprécier au regard des nouvelles catégories de destination des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme, quand bien même le PLU aurait été mis en révision avant le 1er janvier 2016.

Au cas d’espèce, la transformation d’une boucherie en commerce, ne relevait plus, contrairement à ce qu’il en était dans l’état du droit antérieur au 1er janvier 2016, d’un changement de destination, les articles R. 151-27 et R. 151-28 regroupant désormais au sein d’une même destination le commerce et l’artisanat.

Les travaux envisagés ne relevaient pas d’une demande de permis de construire au titre de l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme, contrairement à ce qu’avait estimé la Ville de Paris.

La décision d’opposition à déclaration préalable est donc annulée, de même que le jugement du Tribunal administratif de Paris qui avait rejeté la demande d’annulation de cette décision.

Cour administrative d’appel, Paris, 20 mai 2021, n° 19PA00986

Par un arrêt du 20 mai 2021, le Conseil d’État a rappelé que les dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative, selon lesquelles, en zone tendue, les Tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre les permis de construire portant sur un bâtiment à usage principal d’habitation, peuvent s’appliquer aux travaux relatifs à une construction existante, à la condition que lesdits travaux aient bien pour objet la réalisation de logements supplémentaires.

Au cas précis, n’ayant pas pour objet la réalisation de logements supplémentaires, le permis de construire en vue de la réhabilitation et de la surélévation d’une maison n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative.

Conseil d’État, 20 mai 2021, requête n° 447150, Tables Lebon

Par une décision du 18 mai 2021 (requête n° 443153), le Conseil d’État a procédé à une application intéressante des règles issues de l’article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994, qui interdit toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison du retard dans le règlement des marchés publics (dispositions codifiées à l’article L. 2192-14 du Code de la commande publique).

L’affaire portait sur la légalité d’un protocole transactionnel destiné à mettre fin à un litige relatif à un contrat qui avait été conclu afin de confier à un opérateur la réalisation d’une ZAC.

Ce protocole prévoyait notamment la renonciation aux intérêts moratoires. Mais en l’absence de risque financier pesant sur le titulaire, ce contrat a été requalifié en marché public, si bien que les dispositions de l’article 67 de la loi du 8 août 1994 étaient applicables et que le protocole transactionnel était illégal.

Conseil d’État, 18 mai 2021, requête n° 443153, Tables Lebon

Le 10 février 2021, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets qui constitue, selon le Gouvernement "la concrétisation des propositions de nature législative de cette Convention citoyenne pour le climat".

Le 4 mai 2021, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Vendredi 4 juin 2021 à 10h30, Marta de CIDRAC, Pascal MARTIN et Philippe TABAROT, rapporteurs pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, présidée par Jean-François LONGEOT, et Anne-Catherine LOISIER, Dominique ESTROSI-SASSONE, Daniel GREMILLET et Jean-Baptiste BLANC, rapporteurs pour avis pour la commission des affaires économiques, présidée par Sophie PRIMAS, présenteront à la presse les conclusions de leur rapport.

Le 15 juin, c’est le Sénat qui entamera l'examen de ce projet de loi.

Par un arrêt du 12 mai 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que la partie de voie soumise à enquête publique, d’une longueur d’environ 35 mètres et d’une largeur moyenne de 5 à 6 mètres, à sens unique, ne pouvait réellement servir de voie alternative à l’encombrement de l’entrée nord de la ville, sur la commune de l’Ile-Rousse, ni de voie de délestage des propriétés riveraines, ni se présenter comme « un élément routier essentiel dans le plan de circulation » mis en place par la commune et par voie

L’expropriation n’était donc pas justifiée par une utilité publique suffisante. Il en ressort que la faible importance d’une opération et par voie de conséquence, des avantages pouvant en être retirés, contribue à fragiliser son caractère d’utilité publique.

Cour administrative d’appel de Marseille, 12 mai 2021- Req. n°20MA02968

Un particulier a donné à bail à une société un local commercial situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété en vue de son utilisation pour l’achat et vente de cyclomoteurs ainsi que leur réparation.

Des copropriétaires, voisins du local précité, ont assigné le preneur aux fins d’obtenir la résiliation du bail et son expulsion.

Saisie de cette affaire, la Cour d’appel a déclaré les demandeurs recevables à exercer, en lieu et place du propriétaire, une action oblique en résiliation du bail à l’encontre du preneur.

Des pourvois sont formés par ce dernier et le propriétaire du local.

Par arrêt en date du 8 avril 2021, la Cour de cassation rejette les pourvois et rappelle qu’un syndicat de copropriétaires a, en cas de carence du copropriétaire-bailleur, le droit d’exercer l’action oblique en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements, contraires au règlement de copropriété, causent un préjudice aux autres copropriétaires (3e Civ., 14 novembre 1985, pourvoi n° 84-15.577, Bull. 1985, III, n° 143).

Il est jugé par ailleurs que, le règlement de copropriété ayant la nature d’un contrat, chaque copropriétaire a le droit d’en exiger le respect par les autres (3e Civ., 22 mars 2000, pourvoi n° 98-13.345, Bull. 2000, III, n° 64).

Finalement, la Cour de cassation juge que, titulaire de cette créance, tout copropriétaire peut, à l’instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d’un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété contenues dans celui-ci.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 8 avril 2021, pourvoi n° 20-18.327

Par un arrêt du 15 avril 2021, la Cour de cassation rappelle que l’indemnité d’occupation dont la nature est mixte, compensatoire et indemnitaire, sollicitée en contrepartie de l’occupation du bien et de son indisponibilité, ne peut pas se cumuler avec des dommages et intérêts alloués au titre du maintien dans les lieux de l’occupant sans droit ni titre, sous peine de réparer deux fois le même préjudice.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 15 avril 2021, pourvoi n° 19-26.045

Dans cette espèce, le preneur d’un bail commercial a informé son bailleur qu’en raison de la crise sanitaire et de la fermeture administrative de son commerce, il ne réglerait pas les loyers dus pour deux principales raisons.

Dans un premier temps, le preneur avança l’argument tiré de l’inexécution contractuelle qui, prévue à l’article 1219 du Code civil, autorise une partie à refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre partie n’exécute pas la sienne. Le preneur arguait qu’en n’ayant pu jouir des locaux pendant la période de fermeture administrative, le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance prévue à l’article 1719, justifiant que les loyers ne soient pas dus.

Sur ce point, le Tribunal Judiciaire a débouté le preneur retenant qu’il pouvait parfaitement accéder à son local, dont il disposait des clés, de sorte que l’action fondée sur l’inexécution contractuelle tirée d’un défaut de délivrance n’était pas justifiée.

Dans un second temps, le preneur faisait valoir que l’impossibilité d’user des locaux s’assimilait à une perte de la chose louée justifiant, sur le fondement de l’article 1722 du Code civil, une diminution du prix des loyers.

Sur ce second argument, le Tribunal Judiciaire de la Rochelle fit droit à la demande du preneur retenant qu’une « décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce équivaut à la perte de la chose louée » de sorte, que pour la période de fermeture administrative, le preneur ne doit au bailleur aucun loyer.

Ce jugement s’inscrit à contre-courant de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 1 – chambre 2, 18 mars 2021, n° 20-12262), statuant en référé, qui jugeait que les loyers étaient dus dès lors qu’aucun manquement lié à la période de confinement n’était établi à l’encontre du bailleur.

Tribunal Judiciaire de la Rochelle, 23 mars 2021, n° 20-02428

La publication des recommandations de l’Agence française anticorruption qui visent expressément les collectivités territoriales, fait la part belle à la commande publique. Comment anticiper les risques d’une dérive au titre de la Compliance ?

Maître Pierre-Manuel Cloix détaille les outils à mettre en place dans un dernier article paru dans la Gazette des communes : Corruption et marchés publics : des outils pour anticiper le risque (lagazettedescommunes.com)

 

Pour le Conseil d’État, « aucune de ces dispositions n’habilitait le gouvernement à réduire les délais d’information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités ».

Comme le Conseil l’a relevé, l’annulation de ces dispositions applicables pendant 4 mois ne pourrait avoir d’autres conséquences que d’éventuelles actions en dommages intérêts.

 

Conseil d’État, 4ème – 1ère chambres réunies, 19 mai 2021, 441031

Considérant ce qui suit :

1. L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l’année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l’épidémie. Par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19, le Premier ministre a interdit, à compter du lendemain midi, le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées. Par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a été déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. L’article 11 de la même loi a autorisé le Gouvernement, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, diverses mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de l’épidémie.

2. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l’ordonnance du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 puis l’ordonnance du 2 mai 2020 adaptant temporairement les délais applicables pour la consultation et l’information du comité social et économique afin de faire face à l’épidémie de covid-19. En vue de favoriser une reprise rapide de l’activité économique tout en préservant la santé et la sécurité des salariés, l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 2 mai 2020, prévoit à titre temporaire un raccourcissement des délais légaux ou conventionnels de communication aux membres du comité social et économique de l’ordre du jour des séances consacrées aux décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19, à l’exception de celles relatives aux procédures de licenciement de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours ou aux accords de performance collective. Ce même article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de définir, à titre temporaire, pour les mêmes décisions de l’employeur et le cas échéant par dérogation aux délais conventionnels, les délais qui régissent la consultation et l’information du comité social et économique ainsi que les éventuelles expertises susceptibles d’être ordonnées. Sur ce fondement, le décret du 2 mai 2020 adapte temporairement les délais relatifs à la consultation et l’information du comité social et économique et aux modalités des expertises afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19. Son article 3 prévoit que ses dispositions sont applicables aux délais qui commencent à courir entre la date de sa publication au Journal officiel de la République française, soit le 3 mai 2020, et le 23 août 2020.

3. Par la requête enregistrée sous le n° 441218, l’Union syndicale Solidaires et le Syndicat des avocats de France demandent l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 dans sa version issue de l’ordonnance du 2 mai 2020. Par les requêtes n° 441031 et n° 441221, la Confédération générale du travail-Force ouvrière, d’une part, et l’Union syndicale Solidaires et le Syndicat des avocats de France, d’autre part, demandent l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 2 mai 2020. Ces trois requêtes présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la recevabilité des requêtes n°s 441218 et 441221 en tant qu’elles émanent du Syndicat des avocats de France

4. Le Syndicat des avocats de France, qui est au nombre des organisations syndicales et professionnelles signataires de la convention collective nationale des cabinets d’avocats du 17 février 1995 et de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, dans le champ desquelles un comité social et économique doit être institué dans chaque entreprise de plus de onze salariés, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l’ordonnance et le décret attaqués. Dès lors, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion n’est pas fondée à soutenir que les requêtes n°s441218 et 441221 sont irrecevables en tant qu’elles émanent de cette organisation.

Sur les conclusions dirigées contre l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 :

5. D’une part, l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 dispose, à son I, que, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi qu’il énumère. Il s’agit notamment, ainsi qu’il résulte du b) du 1° du I de cet article, de mesures prises « afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure (…) en matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet (…) de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis, et de suspendre les processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours (…) « . Il s’agit également de mesures, comme le prévoit le b) du 2° du I de cet article, prises « afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure (…) adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. (…) « .

6. D’autre part, aux termes de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 modifié, prise sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 :  » I. Par dérogation aux articles mentionnés aux 1° et 2° du présent I ainsi que, le cas échéant, aux stipulations conventionnelles en vigueur, les délais, exprimés en jours calendaires, applicables lorsque l’information ou la consultation du comité social et économique et du comité social et économique central porte sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 sont fixés ainsi qu’il suit : / 1° Le délai mentionné à l’article L. 2315-30 du code du travail est fixé à deux jours au moins avant la réunion ; / 2° Le délai mentionné à l’article L. 2316-17 du même code est fixé à trois jours au moins avant la réunion. / II. -Un décret en Conseil d’Etat définit, le cas échéant, par dérogation aux stipulations conventionnelles applicables, les délais relatifs : / 1° A la consultation et à l’information du comité social et économique sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ; / 2° Au déroulement des expertises réalisées à la demande du comité social et économique lorsqu’il a été consulté ou informé dans le cas prévu au 1°. / III. -Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux informations et consultations menées dans le cadre de l’une ou l’autre des procédures suivantes : / 1° Un licenciement de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail ; / 2° Un accord de performance collective mentionné à l’article L. 2254-2 du même code. / IV. – Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée ne s’appliquent pas aux délais mentionnés au présent article. / V. -Les dispositions du présent article sont applicables aux délais qui commencent à courir avant une date fixée par décret et, au plus tard, avant le 31 décembre 2020. / Pour les délais définis au I, les dispositions du présent article s’appliquent aux délais qui commencent à courir à compter de la publication de la présente ordonnance. / Pour les délais définis au II, les dispositions du présent article s’appliquent aux délais qui commencent à courir à compter de la date de publication du décret en Conseil d’Etat mentionné au même II. Toutefois, lorsque les délais qui ont commencé à courir antérieurement à cette date ne sont pas encore échus, l’employeur a la faculté d’interrompre la procédure en cours et d’engager, à compter de cette même date, une nouvelle procédure de consultation conformément aux règles prévues par la présente ordonnance « .

7. En principe, les délais d’information et de consultation des comités sociaux et économiques résultent, s’agissant du délai d’envoi de l’ordre du jour, des articles L. 2315-30 et L. 2316-17 du code du travail, s’agissant des autres délais, d’un des accords collectifs mentionnés à l’article L. 2312-16 du code du travail et, à défaut, de dispositions réglementaires. En outre, le délai maximal dans lequel, dans le cadre de ces procédures d’information et de consultation, l’expert remet son rapport a vocation à être fixé par l’un des accords collectifs mentionnés à l’article L. 2315-85 du code du travail et à défaut, par voie de décret en Conseil d’Etat, lequel est également habilité à fixer les autres délais applicables au déroulement de l’expertise. Il en résulte que les dispositions du I et du II de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 modifié, citées au point précédent, comportent des mesures relevant du domaine de la loi.

8. Or les dispositions d’habilitation de la loi du 23 mars 2020, citées au point 5, éclairées par l’exposé des motifs du projet de loi devenu la loi du 23 mars 2020 et les travaux parlementaires en ayant précédé l’adoption, permettaient de prendre des mesures ayant pour objet, pour celles figurant au b) du 1° du I de l’article 9 de cette loi et relatives aux modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, d’organiser la consultation des instances représentatives du personnel par voie dématérialisée, et, pour celles figurant au b) du 2° du I du même article et relatives à l’adaptation, l’interruption, la suspension et le report du terme de certains délais, d’instaurer un moratoire sur les délais qu’elles mentionnent et ainsi en reporter le terme. Aucune de ces dispositions n’habilitait le Gouvernement à réduire les délais d’information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités. Par suite, les dispositions des I et II de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 méconnaissent le champ de l’habilitation donnée au Gouvernement par les dispositions figurant au onzième alinéa du b) du 1° du I de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 ou au b) du 2° du I du même article.

9. Il résulte de ce tout qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’Union syndicale Solidaires et autre sont fondés à demander l’annulation des I et II, ainsi que des III, IV et V qui en sont indivisibles, de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 dans sa version issue de l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020.

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 2 mai 2020 :

10. Les dispositions de l’article 1er du décret du 2 mai 2020, en tant qu’elles fixent des délais qui se substituent à des délais fixés par voie de stipulations conventionnelles ainsi que, dans la même mesure, celles de l’article 3 de ce décret, ont été prises sur le fondement de l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 modifié. En outre, il est constant que les autres dispositions du décret ne sont, en l’espèce, intervenues qu’en raison des dispositions de l’article 9 de cette ordonnance. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que ce décret doit être annulé par voie de conséquence de l’annulation de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 prononcée ci-dessus.

Sur les conséquences de l’illégalité des décisions attaquées :

11. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’annulation des dispositions de l’ordonnance et du décret attaqués, qui n’ont été applicables que quatre mois et qui ne le sont plus à la date de la présente décision, seraient susceptibles d’emporter des conséquences justifiant de réputer définitifs leurs effets passés, alors, au demeurant, que la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion se borne à évoquer, sans plus de précision, qu’une telle annulation pourrait seulement donner lieu à l’engagement d’éventuelles actions indemnitaires en vue d’obtenir la réparation des préjudices susceptibles d’être causés par l’organisation de procédures passées d’information et de consultation des comités sociaux et économiques si elles devaient être regardées comme étant rétroactivement entachées d’irrégularité ou de nullité.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative:

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 1 500 euros, d’une part, à l’Union syndicale Solidaires, d’autre part, au Syndicat des avocats de France, enfin à la Confédération générale du travail – Force ouvrière, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020, est annulé.

Article 2 : Le décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 est annulé.

Article 3 : L’État versera une somme de 1 500 euros, d’une part à l’Union syndicale Solidaires, d’autre part, au Syndicat des avocats de France, enfin, à la Confédération générale du travail – Force ouvrière, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail – Force ouvrière, à l’Union syndicale Solidaires, au Syndicat des avocats de France, au Premier ministre et à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.