Ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025 : Une simplification du régime des nullités en droit des sociétés ? Pas si sûr.

Le régime des nullités en droit des sociétés présentait une certaine complexité et des incertitudes. C’est pourquoi, le gouvernement a décidé de le réformer par le biais de l’ordonnance n°2025-229 du 12 mars 2025.

Les objectifs majeurs de cette réforme, d’après le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2025-229, sont :

  • La sécurisation des décisions sociales en limitant strictement les cas de nullités susceptibles de les affecter ; et
  • La simplification et la clarification du régime des nullité en droit des sociétés

    Sont ci-après présentées les principales nouveautés de cette ordonnance, dont certaines laissent dubitatives quant à la réalisation des objectifs annoncés.

    1. Les nullités en droit des sociétés sont principalement codifiées dans le Code civil

    Jusqu’à présent, il existait des dispositions dans le Code civil et dans le Code du commerce pour régir les nullités en droit des sociétés.

    La réforme vient rétablir la fonction de droit commun des articles 1844-10 et suivants du Code civil en supprimant les dispositions de portée générale se trouvant dans le Code de commerce. Certaines de ces règles sont insérées dans le Code civil et d’autres, celles relatives aux restructurations et aux opérations sur capital, sont relocalisées dans le Code de commerce.

    Cette réorganisation du régime des nullités et la suppression de la cohabitation de plusieurs textes devrait en pratique permettre une meilleure lisibilité des règles applicables, même s’il existe toujours des dispositions dérogatoires au droit commun au sein du Code de commerce.

    Désormais l’article général régissant le régime des nullités en droit des sociétés est l’article 1844-10 du Code civil. La nouvelle rédaction de cet article est critiquable sur plusieurs points, car si le but de la réforme était de réduire les cas de nullité, il est à craindre qu’en pratique ce ne soit pas le cas au regard du troisième alinéa de l’article susvisé qui dispose que « la nullité des décisions sociales ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative de droit des sociétés, à l'exception du dernier alinéa de l’article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général. »

    La nullité suppose la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés, or concrètement nous ne savons avec certitude ce que c’est.

    En outre, le verrou de la disposition expresse de nullité qui était exigée dans les articles du Code de commerce qui régissaient les nullités des décisions sociales modifiant les statuts des sociétés commerciale, n’existe plus. Ces dernières pourront alors être annulées plus largement que précédemment.

    Par ailleurs, avec cette nouvelle rédaction, la réforme vient, a priori, clarifier la nullité des décisions sociales. Auparavant, était visée la nullité « des actes ou délibérations des organes de la société » ; il se révélait difficile d’appréhender et saisir ces notions.

    A présent, ces termes sont remplacés « décisions sociales » et nous comprenons que cela est exclusif des conventions passées avec les tiers, ainsi que des avis, opinions ou recommandations émis par toute instance collective, instituée au sein de la société par la loi, les statuts ou de toute autre manière. Le régime des nullités des décisions sociales s’applique donc exclusivement aux actes décisionnels internes de la société.

    Toutefois, avec cette nouvelle rédaction, un point d’ombre persiste ; en ne définissant pas ce qu’est une « décision sociale » le doute persiste quant à l’application de ce nouveau régime des nullités aux décisions des assemblées obligataires. En effet, peut-on légitimement considérer que ces décisions ont un caractère « social » dans la mesure où elles n’émanent pas d’organes de la société ? Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 1844-10 du Code civil clarifie la nullité pour violation des statuts. Désormais, sauf si la loi en dispose autrement, la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité. Il existe justement un régime particulier pour les SAS prévu à l’article L.227-20-1 du Code de commerce. Pour ces sociétés, il est à présent possible de prévoir dans les statuts la nullité des décisions sociales prises en violations des règles établies. Ce dispositif spécial pour les SAS peut être perçu comme une « usine à nullités ».

    2. L’introduction d’un contrôle judiciaire renforcée

    Une des mesures phare de la réforme c’est le triple test consacré à l’article 1844-12-1 du Code civil. Désormais, la nullité d’une décision sociale ne peut être prononcée que si trois conditions cumulatives sont remplies :

    • Le demandeur justifie d'un grief résultant d'une atteinte à l'intérêt protégé par la règle violée
    • L'irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision ;
    • Les conséquences de la nullité pour l'intérêt social ne sont pas excessives au regard de l'atteinte constatée.

    Ce mécanisme permet au juge d’apprécier in concreto l’opportunité ou non de prononcer la nullité de la décision sociale. En pratique, il devrait réduire les abus en empêchant les actions en nullité fondées sur des irrégularités mineures sans impact réel, évitant ainsi les contentieux dilatoires.

    3. L’encadrement des effets des nullités

    Tout d’abord, dans le but d’éviter « les nullités en cascade », la réforme prévoit :

    • D’une part que la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraine pas la nullité des décisions prises par celui-ci ; et
    • D’autre part la possibilité pour le juge de différer les effets de la nullité si leur rétroactivité est susceptible de produire des conséquences manifestement excessives pour l'intérêt social.

    Ces nouvelles dispositions prévues aux articles 1844-15-1 et 1844-15-2 du Code civil, apportent une certaine sécurité juridique pour les décisions des organes sociaux. Toutefois, la notion de « conséquences manifestement excessives pour l’intérêt social » laisse une marge d’appréciation au juge, pouvant entrainer des décisions hétérogènes selon les juridictions.

    Enfin, toujours au sujet de l’encadrement des nullités, il convient de préciser que l’ordonnance du 12 mars 2025 est venue réduire le délai de droit commun de la prescription de l’action en nullité, qui passe ainsi de 3 ans à 2 ans à compter du jour où la nullité est encourue.

    Le risque de nullité étant souvent découvert lors de l’assemblée générale suivante, ce raccourcissement laisserait le temps aux sociétés de réagir et de régulariser la cause de nullité est souvent découvert lors de l’assemblée générale suivante, ce raccourcissement laisserait le temps aux sociétés de réagir et de régulariser la cause de nullité.

    4. Les règles propres au régime de nullité pour les augmentations de capital

    La nullité des augmentations de capital est au cœur des préoccupations des acteurs, du fait des conséquences qui s’attachent à la bonne fin de l’opération, s’agissant en particulier de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’actionnariat.

    La réforme est venue sécuriser une peu plus cette opération de capital. Pour les sociétés cotées, l’ordonnance prévoit que l’action en nullité n’est plus possible dès la réalisation de l’augmentation de capital.

    Dans les autres sociétés, l’action en nullité est ouverte pendant un délai de trois mois, qui permet notamment de contester les opérations destinées à évincer irrégulièrement un fondateur ou des actionnaires minoritaires.

    En conclusion, ce nouveau régime des nullités en droit des sociétés, dont les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2025, apporte des modifications substantielles visant à renforcer la sécurité juridique et à prévenir les abus. Toutefois, sa mise en œuvre nécessitera une vigilance particulière des praticiens pour s'adapter aux nouvelles exigences et anticiper les éventuelles difficultés d'interprétation.

    L’équipe du pôle Croissance Externe/Corporate se tient à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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