Attention aux cessions d’actions : le respect du formalisme est indispensable, à défaut, la qualité d’associé peut être contestée
Par deux arrêts en date du 18 septembre 2024, la chambre commerciale précise d’une part le formalisme à suivre pour rendre une cession d’actions valide et d’autre part la date effective du transfert de propriété des actions.
I- Le Cerfa 2759 peut valoir ordre de mouvement pour l’inscription de la cession au registre de mouvements de titres
Le premier arrêt (Cass.com 18 septembre 2024 n°22-18.436) porte sur la forme de l’ordre de mouvement de titre. Dans cette affaire, une personne cède les actions détenues dans une SAS ; l’opération s’est formalisée non pas par un acte de cession, mais par un simple formulaire Cerfa 2759 (enregistrement des cessions d’actions non constatées par un acte) et a été transcrite dans le registre des mouvements de titres de la société.
Le cédant invoque la nullité de la cession, au motif que les statuts prévoient que la cession s’opère par un ordre de mouvement et il considère que cet acte n’a pas été formalisé, signé et remis à la société.
La Cour de cassation rejette les prétentions de Cédant.
Elle précise qu’en vertu de l’article L.228-1 du Code de commerce le transfert de propriété résulte de l’inscription des valeurs mobilières au compte de l’acheteur et que cette inscription, conformément à l’article R.228-10 du même code, est faite à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société émettrice. La Cour de cassation retient également que bien que les statuts de la SAS prévoient que l’inscription au registre des mouvements de titres doit s’effectuer au vu d’un ordre de mouvement signé par le cédant, aucun texte législatif ou règlementaire ne régit la forme et le contenu de ce document. Par conséquent la Cour de cassation, qui constate que la cession litigieuse a fait l’objet d’une inscription au registre des mouvements de titres de la société et au compte d’actionnaire du cessionnaire, approuve la position de la cour d’appel qui a pu déduire du formulaire Cerfa 2759 signé par le cédant, comportant toutes les informations nécessaires pour inscrire la cession sur le registre des mouvements de titres et le compte d’actionnaire, vaut ordre de mouvement, de sorte que (i) l’inscription de la cession au registre des mouvements de titres est régulière, (ii) le transfert de propriété est intervenu et (iii) le cessionnaire a bien la qualité d’actionnaire de la SAS.
Il convient de retenir de ce premier arrêt de la Cour de cassation sur le formalisme de la cession d’actions, que l’ordre de mouvement n’est soumis à aucun formalisme particulier et qu’en conséquence le Cerfa qui comporte toutes les informations nécessaires pour l’inscription d’une cession dans le registre des mouvements de titres et le compte d’actionnaires équivaut à un ordre de mouvement de titre, permettant la retranscription de la cession dans le registre, la rendant valable.
II- Sans l’inscription en compte de la société de la cession, le cessionnaire ne devient pas actionnaire
Le second arrêt (Cass.com 18 septembre 2024 n°23-10.455) est consacré à l’opposabilité du registre des mouvements de titres à la société.
Dans cette affaire, une personne cède une majorité des actions qu’elle détient dans une SAS à son coassocié. Les statuts de cette société sont modifiés afin de tenir compte de la nouvelle répartition du capital entre les actionnaires. Durant les années qui ont suivi la cession, des assemblées générales se sont tenues, des décisions lors de ces assemblées générale ont été votées selon les règles de majorité prévues dans les statuts, etc.
Mais, les relations entre les associés se sont tendues, amenant le cédant à contester la qualité d’associé du cessionnaire. Le cédant estimait que le transfert des titres s’opérait à l’égard de la société par un virement du compte-titres du cédant à celui du cessionnaire, ce qui n’avait pas été fait en l’espèce.
La cour d’appel a rejeté l’argumentaire du cédant sur le fondement du droit de la vente et de l’article 1583 du Code civil qui dispose que « la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payée ».
La Cour de cassation ne l’entend pas de la manière et censure la décision de la cour d’appel. La Cour de cassation rappelle qu’en tant que titres financiers, la propriété des actions ne peut être transmise que par virement de compte à compte.
La Cour de cassation précise qu’il résulte de la combinaison des articles L228-1, R228-8, R228-9 et R228-10 du Code de commerce qu’en cas de cession d’actions non admises sur les marchés (les actions non cotées en bourse), le transfert de propriété résulte de l’inscription de ces actions au compte individuel de l’acheteur ou dans les registres de titres nominatifs tenus par la société émettrice. Cette inscription est faite à la date fixée par les parties et notifiée à la société émettrice. Cette date ne peut être antérieure à la notification faite à la société émettrice.
La Cour énonce alors que le cessionnaire acquiert la qualité d’actionnaire à la date effective de l’inscription, par la société émettrice, des actions cédées au compte individuel de l’acheteur ou sur les registres de titres nominatifs qu’elle tient, cette société pouvant voir sa responsabilité engagée si cette date n’est pas celle fixée par les parties à la cession.
En conséquence, la Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel pour défaut de base légale à sa décision, car elle n’a pas recherché si les actions en litige ont été inscrites au compte individuel de l’acheteur ou sur le registre de nominatif de la société.