Absence d’effet de la rétractation d’une promesse unilatérale de vente et vileté du prix
La promesse unilatérale de vente est une pratique courante en matière immobilière et contractuelle. Mais que se passe-t-il lorsque le promettant décide de se rétracter avant l’expiration du délai d’option ? La Cour de cassation, dans un arrêt récent (Cass. 3e civ., 21-11-2024, n° 21-26061 FS-B), apporte des précisions essentielles sur ce sujet, tout en clarifiant les critères d’appréciation du prix fixé dans ce type de contrat.
Rappel des faits
Dans cette affaire, un promettant s’était engagé à vendre un terrain par le biais d’une promesse unilatérale de vente conclue en 1971. Ce contrat prévoyait que le bénéficiaire pouvait lever l’option dans un certain délai. Cependant, avant la levée de l’option, le promettant s’est rétracté, estimant que son engagement ne pouvait pas conduire à la formation automatique d’un contrat de vente. Le bénéficiaire a contesté cette rétractation en justice, demandant que le contrat soit exécuté.
La Cour d’appel avait rejeté sa demande, considérant que la rétractation bloquait la formation du contrat. Ce raisonnement a été censuré par la Cour de cassation, qui a apporté des éclaircissements majeurs sur les droits des parties dans ce type de situation.
1. La rétractation ne bloque pas la formation de la vente
Selon la décision de la Cour de cassation, le promettant ne peut empêcher la formation du contrat de vente en se rétractant avant la fin du délai d’option. En effet, si le bénéficiaire lève l’option dans le temps imparti, le contrat de vente est formé automatiquement, le consentement du vendeur ainsi que les éléments essentiels du contrat ayant été établis dès la conclusion de la promesse.
Cet arrêt constitue une application directe de l’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, et plus précisément de l’article 1124 du Code civil. Il revêt une importance particulière en ce qu’il confirme que les dispositions de cette Ordonnance s’appliquent que la promesse ait été conclue avant ou après le 1er octobre 2016. Cette jurisprudence garantit ainsi au bénéficiaire la possibilité d’exercer son droit d’option sans craindre les revirements du promettant.
2. L’appréciation de la vileté du prix
Un autre point central abordé par la Cour de cassation est la notion de "vileté du prix". La vileté du prix, ou son caractère dérisoire, doit être évalué à la date où il a été fixé dans la promesse (dans le cas présent en 1971), et non au moment de la levée de l’option (en 2016).
Ce raisonnement s’appuie, là encore, sur le principe selon lequel dès la conclusion de la promesse, le promettant s’oblige sur les éléments essentiels du contrat, à savoir, dans le cas d’une vente, la désignation du bien et la détermination de son prix (article 1591 du Code civil).
En conclusion
Ces précisions rappellent l’importance d’une rédaction rigoureuse et claire des promesses unilatérales de vente. Les praticiens, qu’ils soient avocats ou notaires, doivent veiller à sécuriser ces engagements en définissant précisément les éléments essentiels (bien, prix, délai d’option).
Pour les bénéficiaires, cet arrêt constitue une garantie précieuse, assurant que leurs droits d’option sont protégés, même en cas de rétractation du promettant.