RGPD : la CJUE s’oppose à la collecte du genre ou de la civilité par la SNCF

Qui n’a jamais coché la case « Madame » ou « Monsieur » à la ligne « Civilité » d’un formulaire de commande – par exemple, lors de l’achat d’un titre de transport sur la plateforme SNCF Connect ?

L’action semble anodine, mais était cependant considérée comme un traitement de données illicite pour 2 associations, qui forment en 2021 une plainte à la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) sur le sujet.

Suite au rejet de leur plainte, l’affaire est portée devant le Conseil d’Etat, qui en réfère à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

Dans son arrêt rendu le 9 janvier 2025, la Cour se prononce en faveur des associations.

La Cour examine donc la collecte de la civilité du voyageur au visa de des principes du Règlement Général sur la Protection des Données, et plus particulièrement des principes de minimisation et de licéité.

Le principe de minimisation consiste en l’obligation de ne collecter que les données adéquates, pertinentes, et nécessaires au regard de leur traitement. La Cour estime à cet égard que le genre du client ne peut être considéré comme une information nécessaire à l’achat d’un titre de transport.La SNCF, sur ce point, arguait que la collecte du genre avait également pour finalité l’adaptation du service de transport aux trains de nuit, pour permettre la mise en place de voitures unisexe. Pour les juges européens, cet argument est inopérant : s’il justifie effectivement la collecte du genre pour certains trains, il ne saurait rendre licite la collecte généralisée. 

La CJUE va plus loin en examinant la licéité de ce traitement au visa des bases légales sur lesquelles il pourrait être fondé. En effet, en application du principe de licéité du RGPD, un traitement de données personnelles n’est légal que s’il est fondé sur l’une des bases légales listées à l’article 6 du Règlement. En l’occurrence, les bases légales pertinentes sont l’exécution d’un contrat et l’intérêt légitime de la société responsable du traitement.

Concernant le contrat, la Cour rappelle qu’il revient au responsable d’établir que le traitement concerné est indispensable à l’exécution des obligations qui y figurent. Sans surprise, l’arrêt délivre ici le même raisonnement que concernant le principe de minimisation : l’objet du contrat entre la SNCF et le voyageur étant la réalisation du trajet contre paiement du prix, la connaissance du genre du client n’apparaît pas indispensable.

C’est concernant l’intérêt légitime de la société que les développements de la Cour se font plus innovants. Se posait en effet la question de l’intérêt, pour la SNCF, de personnaliser les communications envoyées à ses clients – les adresser par le genre approprié permettant une meilleure relation client et une prospection plus efficace.

La Cour, cependant, coupe court à ce raisonnement : elle considère que si la prospection commerciale constitue bien un intérêt légitime valide, la civilité et l’identité de genre ne semblent pas nécessaires pour remplir cet intérêt, le nom et prénom semblant suffisants. La Cour conseille donc d’opter pour une communication reposant sur des formules de politesse génériques et décorrélées du genre du client.

Surtout, la Cour indique que la prise en compte des usages et des conventions sociales (on pourrait prendre pour exemple, la nécessité de commencer un courrier par « Madame » ou « Monsieur ») n’entre pas en ligne de compte dans l’appréciation du caractère nécessaire d’un traitement.

Les juges européens penchent donc pour une illicéité du traitement de la civilité des personnes. Si la décision d’espèce concerne le transport public, elle semble tout à fait transposable à de nombreux autres secteurs – la connaissance du genre d’une personne est-elle ainsi nécessaire à la vente sur une plateforme e-commerce, à la commande d’un repas, à la souscription d’un abonnement ?

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