Marketplace : qualification d’éditeur de contenu

Dans un arrêt du 1er juin 2022, la Cour de Cassation a précisé son appréciation de la qualité d’hébergeur / éditeur de contenu.

Pour mémoire, le régime juridique du statut de l’hébergeur est encadré par les dispositions de la directive européennes 2000/31/CE et des articles 6-I-2 et 6-I-5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004.

L’hébergeur est défini comme « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».

Dans cette affaire, la société Ticketbis mettait en relation des revendeurs et des acheteurs potentiels pour des événements sportifs et culturels. Dans ce cadre, la Fédération Française de Football (FFF) lui reprochait de permettre la vente, sans son autorisation, de billets pour des matchs organisés par la FFF.

La Cour d’appel de Paris a considéré, dans un arrêt du 11 septembre 2020, que la société Ticketbis était hébergeur après avoir constaté que « l'utilisateur du site fournit seul les renseignements concernant le billet qu'il désire mettre en vente, en fixe le prix et que la société Ticketbis se contente de stocker sur son serveur les offres à la vente, l'utilisateur ayant également la responsabilité de la transmission du billet à l'acheteur, et que le rôle exercé par la société Ticketbis est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données qu'elle stocke ».

A l’inverse, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 1er juin 2022, a cassé l’arrêt de la Cour d’appel.

A titre liminaire, la Cour de Cassation rappelle la position de la CJUE en la matière, à savoir que la qualité d’hébergeur s’applique au prestataire « qui n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S'il n'a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu'il a stockées à la demande d'un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données » (CJUE, 23 mars 2010, Google France SARL, Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA). La Cour de Cassation précise également que « l’exploitant joue un tel rôle (actif) quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci » (CJUE, 12 juillet 2011, L'Oréal e.a./eBay international e.a. C324/09) ».

Partant de là, la Cour de Cassation a considéré que la société Ticketbis avait la qualité d’éditeur, et ce après avoir constaté que « la société Ticketbis offrait sur son site internet un service d'intermédiation pour la transaction de titres, que le site offrait aux éventuels acquéreurs de billets la possibilité de faire des choix entre les différentes compétitions sportives programmées, qu'un commentaire sportif sur les matches à venir illustrait celles-ci, tels « dernière ligne droite avant la prochaine Coupe du Monde » ou « La France favorite face au Luxembourg », ces commentaires se concluant par la phrase « tous les matchs de qualification du Mondial 2018 sont à suivre en direct grâce à Ticketbis qui vous permet non seulement d'acheter mais de vendre vos billets de match de foot », et que la société Ticketbis sécurisait la transaction, ce dont il ressortait que cette société, par son assistance, consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause et à promouvoir celles-ci, ce qui reposait sur sa connaissance ou son contrôle des données stockées, avait un rôle actif ».

Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors de la constitution d’une marketplace (rôle dans la transaction, contrôle et connaissance des contenus, etc…) et donc au risque, si la plateforme joue un rôle actif, de se voir attribuer la qualité d’éditeur de contenus.

Le Pôle Contrats informatiques, Données et Conformité accompagne les créateurs de plateformes et de marketplace dans le cadre de leurs activités.

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