Le secret des affaires au service des objets numériques
L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (World Intellectual Property Organization, WIPO), agence spécialisée des Nations unies, a publié en fin d’année 2024 un guide de plus de 150 pages intitulé « Secret d’affaires et innovation ».
Ce guide a pour objectif de mettre en lumière l’importance du secret des affaires au soutien de l’innovation, et d’offrir des clés pour son intégration dans une stratégie de propriété intellectuelle. À travers des exemples concrets et des démonstrations juridiques basées sur les principes communs internationaux du secret des affaires, il vise à illustrer son efficacité.
A cet égard, au niveau de l’Union européenne, la prise de conscience de son importance a conduit à l’harmonisation des règles qui le régissent, notamment par la directive 2016/943. En France, cela s’est traduit par un renforcement du régime juridique applicable au secret des affaires, via la loi du 30 juillet 2018.
Définition du secret des affaires
Le Guide établi par la WIPO définit le secret des affaires de la même manière que la directive européenne et la loi française (article L.151-1 du Code de commerce). Une information doit ainsi remplir les critères suivants pour être protégée au titre du secret des affaires :
- Être secrète : elle ne doit pas être généralement connue ou aisément accessible ;
- Avoir une valeur commerciale : cette valeur peut être effective ou potentielle, dès lors qu’elle résulte du caractère secret de l’information ;
- Être protégée : l’information doit faire l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
La valeur particulière du secret des affaires pour les objets numériques
Le Guide vise les « objets numériques » de façon large, soit tout ce qui peut contenir des données ou informations stockées ou transmises par voies électroniques ou numériques. Ces objets numériques peuvent revêtir diverses formes et renfermer de nombreux éléments précieux, tels que des algorithmes, des codes, des métadonnées, etc., qui nécessitent d’être protégés par leur propriétaire.
Les informations qu’ils contiennent, dès lors qu’elles répondent à la définition du secret des affaires, permettent à leur détenteur légitime d’agir en justice, soit de manière préventive (articles L152-3 et suivants du Code de commerce), soit pour obtenir réparation en cas de violation du secret des affaires (article L152-6 du Code de commerce).
À la différence d’autres droits de propriété intellectuelle, comme le brevet, le secret des affaires bénéficie d’une confidentialité légale sans formalité préalable. De plus, sa protection couvre un périmètre plus large que celui des inventions brevetables, qui excluent, par exemple, les programmes d’ordinateurs, les méthodes mathématiques, les idées, ou toute création n’étant pas considérée comme une invention technique.
De même, le droit d’auteur ne s’applique pas nécessairement à tous les objets numériques, car il exige la présence d’une œuvre originale. En effet, les idées étant libres, l’objet numérique doit refléter l'empreinte personnelle de l'auteur pour bénéficier d’une protection, ce qui n'est pas le cas d'une simple fonctionnalité intégrée à un logiciel, même si elle est innovante.
Garantir la protection des secrets numériques
Les formats numériques actuels présentent des défis majeurs, notamment en raison des risques de divulgation non autorisée, de vol et d'exploitation. Si l'environnement numérique a permis de grandes avancées, il a aussi favorisé l’émergence de techniques d’usurpation d’informations.
Pour garantir la protection des secrets numériques, le Guide présente deux techniques : le hachage et le cryptage, qui peuvent être combinées en fonction du niveau de sécurité souhaité. De plus, un système d'authentification renforcée permet de limiter les accès non autorisés aux données secrètes.
L'horodatage, associé à une signature numérique, constitue également une solution pour garantir l’existence et l'intégrité des données à un moment donné. La technologie blockchain va encore plus loin, en offrant un horodatage immuable et vérifiable de manière décentralisée, transparente et sécurisée.
Une stratégie mixte ?
La combinaison des brevets, des droits d’auteur et des secrets commerciaux est présentée par le Guide comme une stratégie efficace pour protéger l’innovation technologique. Dans ce contexte, les objets numériques doivent être abordés de manière ciblée, en répartissant les éléments qu’ils contiennent selon les différents types de droits de propriété intellectuelle qui leur sont associés.
Il est également recommandé d’associer cette stratégie à des mécanismes contractuels : clauses de non-utilisation, de non-divulgation et de protection du secret des affaires dès lors qu’un tiers peut y accéder.
Ainsi, les secrets d'affaires jouent un rôle clé en complétant d’autres mécanismes de protection, et en offrant aux entreprises un moyen stratégique de diversifier leur portefeuille de propriété intellectuelle. En particulier, ils sont d’une grande valeur pour une multitude d’industries et d’organisations de tailles variées, permettant de protéger des informations essentielles à la création de valeur. Aujourd’hui, les secrets numériques s'affirment comme un atout incontournable dans la gestion de l’innovation.
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